Troisième sélection en Compétition Officielle au Festival de Cannes pour Nicole Garcia, mais aussi Marion Cotillard. Pour l'une, c'est à la mise en scène qu'elle s'est fait remarquée avec L’Adversaire et Selon Charlie, pour l’autre, c'était dans les premiers rôles de De Rouille et d’os et Deux jours, une nuit. Elles partagent donc les honneurs de la profession mais également un chiffre, synonyme de déception puisqu'elles sont toutes les deux reparties bredouilles de la Croisette (quand bien même Marion Cotillard faisait partie du casting de Juste la Fin du Monde de Xavier Dolan, Grand Prix du Jury 2016). Cette nouvelle collaboration ne change rien à la donne et est passé à côté de tous les prix de la Croisette. Et si son absence au palmarès pourrait laisser sous-entendre que Mal de Pierres n'a pas l'étoffe d'un grand film, il faut néanmoins dépasser ce préjugé et se laisser séduire par cette adaptation romanesque d'un classicisme parfois plombant mais au récit et à l'interprétation maîtrisée d'une main de maître. Tiré de l'esprit de Milena Agus, fer de lance de la Nouvelle Vague Littéraire Sarde, le roman Mal di pietre est un ouvrage unanimement salué dans nos contrées (entres autres le Prix Relay du Roman d'Evasion, le Prix Santa Marinella et le Prix Elsa Morant) qui a permis de révéler l'auteure italienne dans l'hexagone. D'un récit qui trouve son cadre dans la Sardaigne à la toute-fin de la Seconde Guerre Mondiale, Nicole Garcia bouleverse son cadre spatio-temporel et inscrit son histoire au lendemain du conflit d'Indochine dans la France provençale, là où s'agitent les cigales et s'étalent à perte de vue les champs de blés et de lavande.


Mal de Pierres est autant le récit d'un amour impossible que le portrait d’une femme folle d’amour. Dans une société traditionaliste des années 1950, frustrée socialement et sexuellement, Gabrielle se résout à accepter un mariage orchestré par ses parents. Son mal-être devenant trop pesant et surgissant sous la forme d'un mal de pierres (une maladie rare qui touche les reins), son mari l'enverra en cure thermale où elle fera la rencontre d’un soldat blessé en Indochine. Là, elle se libère et trouve enfin la passion qu’elle a toujours cherché auprès de ce soldat empathique, qui la touche en plein cœur par son élégante allure, sa souffrance physique et sa profondeur mélancolique. Et c’est dans la passion charnelle que les deux personnages se soignent mutuellement et oublient un temps leurs maux. A ce petit jeu, Nicole Garcia s’adonne à de formidables élans de sensualité et une scène d'amour charnelle entre Marion Cotillard et Louis Garrel. Mais les soins en cure se terminent pour les deux amants et le retour à la réalité sera extrêmement difficile. Même l’arrivée d’un enfant ne pourra lui enlever son désir de retrouver cette passion enflammée. Marion Cotillard n’a jamais laissé insensible la critique, qui lui compte autant d’adorateurs que de détracteurs. Elle s’abandonne ici dans ce personnage fragile qui a perdu la raison en même temps qu’elle a perdu la passion. Le tout avec une grâce et une justesse qui font de la comédienne l’une des plus belles représentantes du cinéma français, quoiqu’en disent ses détracteurs. Louis Garrel est plus discret, moins présent dans ce récit alors qu’il est paradoxalement le centre de toutes les attentions. En revanche, on saluera la force tranquille de l’espagnol Alex Brendemühl, un mari dévoué et mélancolique qui doit faire avec la difficile condition de sa femme.



Nicole Garcia signe un mélodrame classique, beau et pudique. Ni plus, ni moins.



De ce triangle amoureux des années 1950, Nicole Garcia brouille les pistes entre la réalité et l’imaginaire jusqu’à un final bouleversant. Car c’est bien dans sa structure narrative que le film -bien que classique- joue les faux-semblants sur le chemin de croix d’une femme brisée par les traditions sociales et son désir insatisfait. Cependant, à trop vouloir être propre, Mal de Pierres manque de souffle, d’ampleur et de sauvagerie. Tout y est trop lisse, trop appliqué, comme un devoir rendu pour faire plaisir au professeur. Paradoxalement, c'est aussi la force de ce film qui renoue avec les chefs d'oeuvre du genre et des cinéastes comme Max Ophuls, Claude Sautet ou Jane Campion. Dans ce cadre de travail, outre la maîtrise du récit et la performance des comédiens, c'est aussi l'équipe technique qui magnifie le sujet et l'emporte dans un ultime élan cinématographique. La sublime photographie de Christophe Beaucarne rend hommage à la beauté des paysages du Sud tout comme il emploie à bon escient les environnements pour leur donner la perception de Gabrielle. Ainsi, la Provence au parfum de vacances laisse un goût amer tandis que la montagne est plus magnifiée, comme la passion retrouvée de Gabrielle. Il fallait un tout aussi bon compositeur pour donner l'ampleur idéale à ce mélodrame d'une finesse assumée, et Daniel Pemberton (Steve Jobs) sait apporter les souffles lyriques aux moments opportuns tout en se montrant suffisamment discret pour ne pas alourdir le film qui veut flirter avec les grandes romances dramatiques du cinéma.


Mal de Pierres regroupe ainsi toute l’essence du grand cinéma romanesque français, à savoir une passion amoureuse impossible, une conflit guerrier en arrière-plan, un décor en bord de mer aux senteurs de l'été et un trio d’acteurs convaincants. L'académisme fièrement représentée et hommage aux grands mélodrames pourra en rebuter certains et donner l'impression que Mal de Pierres n'est qu'un énième drame bourgeois à la narration maladroite mais ce serait omettre le traitement sans fard d'une passion refoulée et la finesse d'un scénario qui donne ses lettres de noblesse à Gabrielle, un touchant personnage féminin qui s'impose comme l'un des plus beaux rôles de Marion Cotillard.


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Softon
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le 17 oct. 2016

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Kévin List

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