A la réalisation, nous retrouvons Eom Yu-na, déjà scénariste du très bon A Taxi Driver, sorti en 2017 et traitant du soulèvement de Gwangju, en 1980, menant progressivement à la contestation puis à chute de la dictature en Corée du Sud. Ici, la réalisatrice officie à nouveau dans un film historique, racontant une autre époque trouble de l’histoire de la Corée du Sud. On va y retrouver, par ailleurs, un certain nombre de composantes similaires à celles présentes dans A Taxi Driver, avec, notamment, un personnage principal pas très scrupuleux mais très humain, un parcours basé sur la rédemption et la prise de conscience et, bien sûr, la volonté de raconter l’Histoire avec un grand H.
The Age of Shadows abordait l’occupation japonaise en choisissant l’espionnage et un propos politique, pour proposer un thriller plein de tension et habité par une violence latente. MAL.MO.E : The Secret Mission utilise un ton plus léger, moins rude, avec un angle d’attaque intéressant. En effet, la langue est quelque chose que l’on considère toujours comme acquis, immuable, mais quand il s’agit de mener l’une d’elles à disparaître, les conséquences peuvent être tragiques. Pour mieux impliquer le spectateur dans cette histoire et dans ses enjeux, la cinéaste choisit comme personnage principal un illettré, qui va apprendre à lire et à écrire, qui va redécouvrir la langue et comprendre en quoi sa préservation est essentielle pour construire l’identité d’une nation.
MAL.MO.E : The Secret Mission est un film qui fonctionne beaucoup sur l’empathie. On s’attache à ce héros malgré lui, qui tente de joindre les deux bouts et qui finit par devenir un élément essentiel dans l’élaboration d’un projet titanesque de sauvetage d’une langue. On pourrait d’ailleurs reprocher au film d’être un brin tire-larmes, d’appuyer les émotions, d’emprunter des chemins déjà bien balisés. Il est vrai que MAL.MO.E : The Secret Mission n’est pas le film le plus audacieux qui soit, en termes d’écriture et de réalisation. On peut aussi le trouver très archétypal, voire manichéen, avec des antagonistes japonais cruels et sans pitié.
Son avantage, auprès d’un public occidental, notamment, est de raconter une histoire qui nous est, pour la plupart, inconnue, et cette découverte devient, culturellement, enrichissante. Toutefois, malgré sa prise de risques relativement limitée, MAL.MO.E : The Secret Mission reste honnête et judicieux dans sa démarche, offrant une main tendue au spectateur pour l’accompagner dans l’écriture de l’histoire coréenne.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art