Avec son deuxième long-métrage intitulé Maman déchire, Emilie Brisavoine nous offre une nouvelle fois un documentaire sur un membre de sa famille. Après la demi-sœur, on s'intéresse cette fois à la relation mère-fille et aux violences familiales passées qui déteignent sur le présent.
Emilie Brisavoine vient d'avoir un enfant et forcément elle pense à sa propre enfance qui a été gâchée par sa mère et son comportement. Elle se filme donc en train d'essayer de reconnecter avec sa mère. Elle le fait au travers de scènes assez perturbantes tant la mère ne veut rien entendre. Mais elle tente aussi de resituer les souffrances reçues par sa propre mère. Les souffrances vécues n'excusent pas celles infligées, mais ça permet d'avoir une idée de la complexité du personnage. Elle n'est pas que bourreau, elle est aussi une victime. Une victime qui a reporté sa souffrance sur ses enfants et qui est devenue bourreau.
Rien que pour ce portrait ambigüe, pas manichéen, où on sent que la réalisatrice a envie que la relation avec sa mère progresse malgré le passé, le film vaut le coup d’œil. Puisque c'est un documentaire on a rarement quelque chose d'aussi cru, d'aussi vrai et qui fait aussi mal. J'ai une scène en particulier qui me vient en tête où la réalisatrice lit son journal intime de l'époque. Elle y lit qu'à 10 ans elle voulait des créoles et que sa mère lui répond que c'est un truc de pute et que ce n'est pas étonnant que ça lui plaise. Devant la violence de la phrase je n'ai pu qu'éclater de rire... Comment peut-on dire ça à son enfant ?
Malgré la dureté des thèmes abordés le film garde une certaine vitalité, on n'est pas sur un film chiant qui ressasse ses problèmes en boucle en se regardant le nombril, ce qui est toujours le risque avec des réal qui confondent cinéma et une thérapie. La réalisatrice met ici un point d'honneur à transformer sa vie en cinéma, il y a de vraies idées qui parcourent tous le film et qui font que comme pour Pauline s'arrache, son premier film, on est face à un pur film où les idées de montage, d'écriture et de mise en scène s'enchaînent. Elle ne tombe dans aucun des écueils qu'il peut y avoir dans ce genre de projet. Elle a réussi à transformer ses questionnements et son mal être en cinéma.
Le film arrive ainsi à passer du rire aux larmes, à être touchant avant d'être choquant pour finalement se conclure dans un genre de délire ésotérique plein d'énergie et d'optimisme. C'est vraiment un beau film sur la famille sur comment la maternité qui est d'habitude présentée comme protectrice est en réalité source de violence et de traumatismes.
Difficile de ne pas être touché par l'enfance de cette femme. Mon seul regret est que j'aurais bien pris des nouvelles de Pauline, héroïne de son premier film... Fallait céder au fan service !