Juste, rythmé, intéressant...
Le film est d'une rare justesse concernant son sujet: la France miséreuse, la "basse-France", la France de tonton Frédéric, et finalement, quelque part la France majoritaire aussi.
Autant dans le milieu du travail, dans la vie du couple, dans les problèmes, dans tout... Les personnages quels qu'ils soient sont parfaitement cernés. Et c'est à la fois une coïncidence parfaite avec les clichés, autant qu'avec la réalité qui n'est pas loin du cliché. La proximité du réel réside aussi dans un casting fou, et quasi-parfait. Je pense notamment à Miss Ming, qui n'aurait pas pu être jouée par une autre personne qu'elle-même finalement, à Yolande Moreau qui a de toute façon l'habitude de ce genre de rôles, mais aussi à Siné, Gérard Depardieu et aussi Isabelle Adjani parfaite dans son rôle fantomatique, même avec ses 54ans qui paraissent 22.
Parfaitement rythmé, comme si le film avait été vu, et revu, et re-revu intégralement au montage, des milliers des fois, par des milliers de personnes différentes. Le rythme est juste, le cut est net et parfait. Les scènes s'enchaînent avec un rythme si bon et les artifices si peu présent que l'on oublie presque le fait qu'on regarde un film. Ça marche aussi grâce au casting et à la justesse décrite juste au dessus, c'est cette proximité avec la réalité qui nous permet une immersion totale. Je pense même à cette magnifique séquence d'ouverture, les vignes filmées à très grande vitesse, qui font vaciller notre cerveau et qui trouble notre vue. Même cette scène, qui est en apparence anodine, a un rythme si bon, que l'on est directement happé par le film. Il aurait presque fallu ne pas mettre le titre et directement entamer le film.
Ce film est intéressant sur divers points; déjà techniquement pour les raisons précisées au dessus, mais aussi dans ce que le film montre et raconte. Je l'ai peut-être pris (à tort) pour un film quelque peu moralisateur, mais dans un sens que je ne trouve pas du tout mauvais. C'est un peu comme un documentaire qui filmerait notre vie, dans ce qu'elle a de plus faible, de plus bas, dans ce qu'elle a de plus ennuyeux et de nous le montrer en disant: "Voilà, ça c'est toi. Maintenant réveille-toi !". Et pourtant, quelque part, il y a peu de chance que tonton Frédéric voit ce film "documentaire" fictionnel sur sa vie.
On est entre compassion, pitié, sympathie, tristesse, et amitié avec tout cet univers. On se rend compte sans grande surprise de l'univers morbide du couple par exemple en début de film. Et du monde totalement marginal de la nièce également. Ou des difficultés de la maison de retraite. Ce ne sont pas de grandes surprises, mais c'est des choses avec lesquelles on vit sans trop y penser. C'est un moyen de nous jeter un peu tout ça à la gueule et de nous dire "ça peut être beau, certes, mais ça reste fondamentalement triste".