Born to be an american hero.
Il est amusant de constater à quel point le personnage de Superman a du mal à passer avec le public français, au contraire de celui de Batman. Peut-être que l'univers sombre et plus réaliste du Caped Crusader passe mieux, contrairement à celui du fils de Krypton, demandant aux spectateurs une crédulité totale pour accepter pleinement l'omnipotence d'un tel superhéros. Ce qui pourrait expliquer, en partie, l'accueil tiède réservé au nouveau film de Zack Snyder, qui pourtant, malgré ses défauts évidents, enterre tranquillement la concurrence, en premier lieu un "Avengers" étrangement bien accueilli.
Pour apprécier comme il se doit ce reboot, il est toutefois nécessaire d'avoir bien conscience de deux choses avant de rentrer dans la salle. Premièrement, vous vous apprêtez à passer près de deux heures et demie devant une grosse machine typiquement américaine ("Y a pas plus ricain que moi" dira d'ailleurs Kal-El), saupoudrée de références éléphantesques à la vie de Jésus Christ notre sauveur comme chacun sait. Pas de prosélytisme là dedans, encore heureux, mais une invitation (sommation ?) à CROIRE !!!! Deuxièmement, oui vous allez vous retaper une fois de plus toute l'origine du héros à la cape rouge (mais sans son slip ici), heureusement sous forme de flashbacks efficaces (bien qu'un peu redondants), après une introduction grandiose nous présentant la planète Krypton sous la forme d'un pur space-opera à faire rougir Riddick et ses chroniques. Pigé ? A vous maintenant d'apprécier (ou pas), le cocktail que l'on viens de vous servir.
Le moins que l'on puisse dire devant le produit fini, c'est que le trio Goyer / Nolan / Snyder fait ici tout l'inverse d'un Bryan Singer prisonnier de son amour pour le film matriciel de Richard Donner, jetant tout à la poubelle pour tout reprendre depuis le début. Un parti-pris payant bien qu'un peu ingrat, condamnant ce premier opus à n'être que la partie émergée de l'iceberg, comme l'était "Batman begins". Car disons le d'emblée, le spectacle n'est pas aussi monumental qu'espéré, la faute à de sérieuses longueurs et à une intrigue pas franchement palpitante, bien trop occupée à poser les bases d'un univers que l'on espère plus tard enfin libre de brûler l'asphalte et de passer ce satané mur du son.
Malgré ces réserves, le petit garçon ayant accroché une serviette de bain à son t-shirt qui est en moi a prit un plaisir évident, Zack Snyder dirigeant cette gigantesque entreprise avec un brio certain, délaissant son style outrancier pour une mise en scène plus proche de ses personnages, à la fois ample et contemplative, à mi-chemin entre Terrence Malick et "Battlestar Galactica", prenant surtout le temps de mettre en lumière les doutes de son héros christique avant de tout faire péter dans un final apocalyptique dont on sort complètement rincés.
Car s'il souffre d'un rythme un peu chaotique, alternant entre morceaux de bravoure, flashbacks et introspection, le film de Snyder n'en reste pas moins foutrement spectaculaire, parvenant à rendre cinématographique les scènes de vol (ce qui n'était pas gagné d'avance) grâce à la magie d'effets spéciaux impeccables. On espère cependant que les suites éventuelles sauront mieux les insérer au récit et les rendre un peu plus dramatiques.
On appréciera également le soin apporté aux principaux protagonistes de l'histoire, notamment la relation entre Clark Kent et ses parents adoptifs, apportant une certaine émotion à l'ensemble. Bonne idée également d'avoir rendue toute sa force et sa détermination au personnage de Loïs Lane, autrefois si crispante mais ici au coeur de l'action, en plus de connaître rapidement l'identité de Superman, ce qui nous épargne le stupide coup des lunettes... pour un temps du moins (voir la dernière séquence, casse-gueule). Les Kryptoniens, quant à eux, retrouvent enfin une vraie puissance, que ce soit Jor-El ou le général Zod, loin des délires en pyjama vus précédemment.
Ayant eu la malchance de voir le film en version française, je ne pourrais juger véritablement du jeu des comédiens mais ils ont tous une véritable présence à l'écran, que ce soit Henry Cavill, incarnation parfaite de Kal-El ou le génial Michael Shannon (un peu grimaçant toutefois), ou encore la choupinette Amy Adams ou le revenant Costner.
"Man of steel" n'est donc pas le chef-d'oeuvre ultime qu'il aurait pu être, trop inconstant et baignant dans une imagerie christique un peu trop prononcée mais demeure une belle promesse pour l'avenir et offre près de 2h30 d'un spectacle grisant apte à faire rêver tous les petits garçons du monde entier.