L’excitation générée par l’attente du nouveau film d’un réalisateur que j'apprécie - ici Zack Snyder -, surtout lorsqu’il bénéficie d’une production bien grasse, génère bien souvent une déception excessive au regard de ses qualités. Avec ses 225M$ de budget et son Christopher ‘overrated’ Nolan à la production exécutive ne déroge pas à la règle.
La désillusion est particulièrement courante dans ce contexte de crise de l’industrie du cinéma hollywoodien où les producteurs ont un pouvoir accru sur des réalisateurs qui sont sommés de respecter les critères de réussite au box-office. The Avengers fait malheureusement figure de référence sacrée depuis un an et toute tentative de s’y démarquer est dorénavant prohibée.
Après un Watchmen merveilleusement mis en scène dont les qualités sont reconnues unanimement et un Sucker Punch plus personnel avec une belle réflexion sur l’imaginaire, j’étais en droit d’attendre beaucoup de ce reboot de Superman. En puisant à la fois dans l’intelligence narrative de Watchmen, dans la complexité de ses personnages, ainsi que dans l’esthétique clipesque et chiadée de la filmographie de Snyder, tout portait à croire que nous allions avoir à faire à un Clark Kent qui a des choses à dire. A fortiori car le sujet de l’émancipation, dont le réalisateur donnait déjà les éléments de réponse dans Sucker Punch, aurait pu servir de tremplin au bonhomme pour venir nous balancer sa vision du superhéros au slip rouge. Il n’en est rien. Ou du moins, seule une moitié du contrat est remplie et même pas au niveau où je l’attendais.
Zack Snyder s’est en effet contenté faire défiler les débuts de Clark Kent sans toutefois y imprimer sa propre représentation du personnage. Il en ressort fatalement un personnage fade dont les traits sont à la fois visibles et assez grossiers. Tandis que Nolan le producteur aurait pu faire profiter de son expérience sur la trilogie ‘The Dark Knight’ dont le principal intérêt était la profondeur du héros et ses ambiguïtés, Snyder semble ne pas s’intéresser à son poulain en concentrant son travail sur la mise en scène pure. C’est très dommageable dans un genre – le film de superhéros – où tout l’intérêt émotionnel se construit autour d’un unique personnage...
A contrario la grande réussite de ce film réside dans la fluidité exceptionnelle de ses scènes d’action. Le réalisateur a même trouvé des idées de mise en scène très innovantes comme les vues quasi-subjectives qui sont extrêmement soignées et qui donnent une lisibilité et une fluidité surprenante aux combats. Quand la caméra suit le héros à toute vitesse, derrière son épaule, lorsque celui-ci s’approche de son adversaire puis change de point de vue pour prendre la place de l’adversaire, et ainsi de suite pendant le moment de l’action, c'est absolument prenant. Même si sa mauvaise habitude consistant à trop vouloir utiliser le ralenti a été guérie (sic 300), j’ai tout de même retrouvé certains tics comme des shaky cam ou des zooms numériques atroces. J’imputerais plus ces effets de mauvais goût à « l’avengerisation » des blockbusters qu’à un réel choix de Snyder qui ne nous a jamais habitué à cela. À l’inverse j’ai trouvé dommage l’inexistence totale de scènes « clip » pendant lesquelles le réalisateur de Watchmen s’amusait à monter une scène d’action sur de la musique en peaufinant au maximum la photographie. Même si la technique en énerve certains, j’ai toujours aimé ces séquences dans les films de Snyder et j’ai regretté qu’il ait préféré ne pas en inclure dans ce nouveau film. On peut certainement y voir ici la conséquence de la toute-puissance des producteurs dans ces nouvelles franchises. Le film est finalement son œuvre la moins personnelle : c’est pour cela que je l’ai trouvée en deçà mais ses détracteurs quant à eux seront probablement plus enclin à apprécier.
Une scène résume assez bien l’opposition entre la quasi-inexistence d’idées de fond et l’indéniable qualité visuelle du film : lorsque le père adoptif de Clark Kent incarné par Kevin Costner se fait emporter par une tornade pendant que son fils le regarde partir très sagement. La scène est visuellement très belle mais on reste très loin de l’émotion car elle n’est pas crédible pour deux sous. Rien dans le scénario ni dans le caractère de Superman ne justifie un tel déroulement et le conflit interne du héros aurait gagné à être développé avant la scène pour que celle-ci gagne en épaisseur. Sur ce passage on atteint le paroxysme mais c’est en fait tout le film qui m’a semblé bancal d’inégalités de fond et de forme.
Cette remarque soulève alors une question : la finalité du cinéma de divertissement peut-elle se réduire à la surenchère visuelle et à des doses d'humour ? Si l’on en croit les résultats en salle des Avengers, Star Trek, The Amazing Spiderman et autres Iron Man 3, oui. Il me semble tout de même que la trilogie Spiderman de Raimi ou les Batman Begin et TDK de Nolan étaient plus intéressants car ils savaient combiner les qualités du divertissement et un personnage complexe -qui diffère donc de la figurine idéale- et qui permet alors le questionnement.
Après Sam Mendes dans Skyfall, c’est Zack Snyder qui me déçoit en s’offrant aux studios. Heureusement que, même menottés, les meilleurs réalisateurs réussissent tant bien que mal à injecter un peu de talent dans leurs produits.