Solaire et enthousiasmant
J'avais de fortes réserves avant d'aller voir "Man of Steel" : de Zack Snyder, je n'aimais pas grand chose, pour ne pas dire rien (quelques scènes de "Watchmen", à la rigueur) ; la figure de Superman me semblait à jamais figée entre les premiers films et la série "Loïs et Clark", ce qui en soi suffirait à anéantir la crédibilité de toute franchise ; la présence de Christopher Nolan au générique me laissait entrevoir de belles promesses, s'il ne se laissait pas aller à sa tendance un peu pompière (j'ai une grande affection pour "The Dark Knight Rises", mais même le fanboy que je suis doit reconnaître les nombreux défauts du film). De quoi sérieusement douter, donc.
Au final, et sans être devenu un vénérateur de Snyder ou de l'homme qui venait de Krypton, on peut tout de même parler d'une belle réconciliation. Le scénario, sans être d'une finesse ni d'une inventivité rares, et qui joue probablement un peu trop des effets de flashback, a pour lui d'être honnête, direct et efficace, avec ce qu'il faut de rythme et de "nolan touch" de profondeur paradoxalement superficielle (cette façon de laisser affleurer sous certaines scènes ou répliques une forme de complexité que le film se contente de toucher, sans la creuser, sans perdre de vitesse) : l'éternelle tension entre l'incarnation du héros et sa propension au symbole, la question de la confiance que l'on place dans les autres (ici, la Terre entière, et non seulement une ville (Gotham, par exemple), dans la mesure où le héros peut parcourir la surface du globe en deux battements de cil), celle de la différence, etc. Même Zod (interprété avec classe par le réjouissant Michael Shannon), en tant qu'il n'est que le pur produit d'une société déjà viciée, échappe un peu au manichéisme de rigueur. Henry Cavill fait un bon Superman, pas trop fade, ce qui est déjà une bonne chose lorsqu'on voit les prestations des anciens Kal-El. Le casting dans son ensemble est de très bonne tenue, aucun gros crash, aucune fausse note ; Amy Adams est, tout particulièrement, un choix intelligent : elle parvient à faire exister une Loïs Lane pourtant pas extraordinairement épaisse sur le papier. Et enfin, puisqu'il s'agit du gros point positif du film, force est de reconnaître la virtuosité de la mise en scène. Délesté de ses lourdeurs, de ses tics, de ses ralentis interminables avec gros plans sur les muscles saillants et huilés, Zack Snyder déploie une maestria qui - surtout dans la dernière heure du film - fait passer les scènes de destruction des "Avengers" pour un jeu de kapla filmé en noir et blanc. Superman devient un projectile qui traverse le ciel, les murs, le sol, toute surface jusqu'aux parois de verre et d'acier des buildings en train de s'effondrer ; tout devient un jeu de vitesse folle, une lutte entre des forces indestructibles qui se percutent, rebondissent l'une sur l'autre, dans un univers devenu suprêmement malléable. La grande idée est d'avoir opposé le superhéros à ses semblables, des adversaires qu'il ne supplante pas en force, de quoi nuancer la toute-puissance de l'homme à la cape (toute-puissance très bien traitée autour de la question de la gravité - de manière générale les explications et l'ancrage plus "réaliste" du mythe sont une réussite).
Snyder, et derrière lui Nolan, donnent ce qui semble être enfin une alternative au "Dark Knight", qui jusqu'ici dominait symboliquement l'univers remis à neuf des comics. "Man of Steel" en serait le pendant lumineux, loin des intrigues quasi-policières au multiples détours, à la noirceur affirmée, du Batman incarné par Christian Bale, qui avançait dans une nuit urbaine toujours plus épaisse ; le Superman de Snyder file en pleine lumière, dans tout l'éclat de son prestige retrouvé, le plus solaire des superhéros.
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