Snyder, jusqu’à maintenant, avait conservé un champ de vision aux limites du pessimisme (son premier essai, L’armée des morts, en est le meilleur représentant avec Sucker Punch), et s’attachant surtout à cerner les limites de ses personnages (Watchmen, les hiboux nazis de Gahooles…). En bref il ne mimait pas la profondeur, il allait la chercher loin, très loin, en se plongeant parfois dans la crasse humaine pour y parvenir. Dans Man of Steel, il semble complètement avoir changé son fusil d’épaule, puisqu’il évacue toute noirceur, y compris dans l’enfance de superman, gentiment brimé par ses camarades et apprenant à prendre sur lui parce que c’est dur. Un matériau riche, mais complètement anesthésié par une mise en scène grand public qui, plus il avance, plus il a du mal à cacher son fond typiquement blockbuster type Independance Day.


Man of steel est en quelque sorte l’anti-Watchmen (malgré son envie de cultiver une part sombre), et chaque public de ce dernier (pour ou contre) se retrouvera dans le camp opposé pour ce nouveau film, d’un triomphalisme à la gloire de la confiance qu’on peut accorder aux hommes. La principale question que se pose Superman reste : l’humain est-il digne de confiance. A cela, le père adoptif, campé par un Kevin Costner d’une justesse bluffante, y répond non avec beaucoup de finesse. Et à la question de Superman, le film répond Oui, et avec les trompettes et les drapeaux. Le film commençait plutôt bien en filmant les derniers instants de Krypton, il y avait là un magnifique climat d’apocalypse, s’attachant à illustrer les derniers balbutiements de la vie politique avec une tentative de coup d’état. Mais une fois Krypton explosée (et les instigateurs de la rebellion emprisonnés et mis en orbite (bon sang, ils prennent la peine de faire ça alors qu’ils vont tous mourir dans quelques heures)), on arrive sur Terre, et là, on commence à plonger. Le nouveau superman est un freak. Soit. C’est en effet dur de devoir perpétuellement cacher sa nature. Mais face à cette écrasante supériorité, notre homme d’acier se révèle d’un humanisme à en rendre jaloux ses concitoyens. Sa franchise est appréciable, mais son côté gentiment donneur de leçon, pensé pour rendre le personnage sympathique, ne parvient pas vraiment à lui donner la profondeur recherchée. Et quand les insurgés reviennent, ils prennent la peine d’avertir la Terre de se soumettre à leur directive : livrer Superman. Autant dire que l’humanité entière fait preuve d’une conduite exemplaire. Alors que tous les autres pays non concernés (tous sauf les USA, donc) semblent se tenir tranquille et continuer le cours de leur existence sans mettre la pression à l’internationale, les GI joes s’occupent de l’encadrement de l’opération en défendant brillamment leur orgueil masculin situé sous la ceinture (« je m’en branle de ce que vous direz au général ! » asséné à la délégation extra-terrestre lors du premier contact en direct, classe comme négociation), tout en étant visiblement totalement inapte à lutter en face de la menace du pauvre vaisseau du général Zog. Général Zog campé par un Michael Shannon aux motivations claires, mais qui échoue complètement à lui donner l’étoffe d’un méchant mémorable. Une déception pour ma part, malgré un affrontement titanesque. D’ailleurs, plus l’intrigue avance, plus le vide est évident, plus Nolan et son camarade scénariste (l'incorrigible David S. Goyer) comblent les blancs avec des séquences à effets spéciaux qui veulent visiblement en mettre plein la vue, transformant la dernière demi-heure en remake d’ID4, explosant les immeubles, pulvérisant les grattes ciels (avec des humains qui préfèrent s’aider les uns les autres quitte à tous y rester), et se terminant par du corps à corps pas très convaincant niveau profondeur. Face à l’enjeu principal du film (Superman possède dans ses cellules la mémoire génétique de tous les habitants de Krypton), notre homme d’acier lui fait un gros bras d’honneur, parce que les hommes, c’est bien, faut juste leur faire confiance, et si on leur fait confiance, ben ils nous le rendent bien. Ou presque (la suite en dira plus). Beaucoup trop gentil pour faire partie de la filmographie de Snyder, Man of Steel est donc une relecture assez ratée, qui fait surtout craindre le pire pour Christophe Nolan quand on voit au service de quels projets il offre son talent de suspense, ici substitué à une mythologie quasi biblique (avec même passage chez un prêtre, gentille initiative, hélas un peu trop appuyée). Un blockbuster bouffi qui casse donc bien des idées, malgré des effets somme toute spectaculaires et des personnages qui se laissent suivre. Un défonçage sans animosité, mais mis à côté d’un Sucker Punch déjà pas irréprochable, la descente niveau ambition est raide…

Voracinéphile
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le 5 sept. 2016

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