Rétrospective Zack Snyder #5 - Man of Steel

Il est difficile d'analyser Man of Steel pour parler de Zack Snyder, bien qu'il en soit le réalisateur. En effet, il s'agit de son seul film à ce jour qui soit une commande d'un studio, la Warner en l’occurrence, et nullement de son fait – rappelons que pour 300 c'est lui qui avait poussé Warner toujours, à adapter le comic en film. Propulsé à la tête d'une telle franchise, dont l'enjeu n'était ni plus ni moins que le succès ou non-succès futur du développement du projet « Justice League » censé concurrencé Marvel et ses Avengers, il est évident que Zack Snyder n'a pas eu une carte blanche créative de la part de Warner, et ça se ressent. Zack Snyder a été obligé, non pas d'abandonner complètement sa vision esthétisée à outrance du cinéma – nous y reviendrons – mais a été contraint de largement se calmer et de rentrer dans les rangs plus formatés du blockbuster d'été. Les questions sont donc multiples ici : Man of Steel est-il un bon film de Superman ? Man of Steel est-il un bon film de Snyder ? Et Snyder est-il un bon choix pour se charger de Superman ?


Évacuons un point immédiatement : il s'agit d'un bon divertissement, agréable et impressionnant au niveau de l'action pure. De ce point de vue, le film a la propension épique qu'on pouvait attendre d'un Superman, et c'est un bon film. En demeurant toutefois à des années-lumières de la profondeur et de la maestria du Dark Knight (ce qui me fait dire au passage que c'est un des pires films scénarisés par les frères Nolan et David S. Goyer).


Maintenant, le choix de Snyder pour Man of Steel – et pour Dawn of Justice et sans doute Justice League – dans le futur, est-il bon ? Pour les fans puristes du réalisateur, probablement pas, puisqu'ils ne retrouveront que partiellement l'âme de Snyder dans ce film : pas de ralentis esthétiques, pas même un seul, preuve s'il en est de la restriction qui lui fut imposée. Et au niveau de l'action, cela tient presque du Michael Bay lors des combats et presque de Rolland Emmerich et 2012 lors de la destruction de la ville (imprégnée, pour ne pas dire noyée, du traumatisme du 11 septembre, que les USA n'ont décidément pas fini d'exorcisé). Certains plans viennent rappeler heureusement la patte du réalisateur, comme la scène d'ouverture à Krypton et la guerre en arrière-plan, qui sont eux très snyderiens. Voilà pourquoi du point de vue strictement visuel, Man of Steel est plus un film Warner que Snyder, et n'importe quel réalisateur de talent aurait pu le remplacer.


N'importe qui, vraiment ? Car c'est au niveau du propos du film qu'on voit que Snyder est au contraire un choix parfait (du point de vue de la volonté des studios, pour ma part le fond est ce que que je déteste chez Snyder). Snyder le républicain, Snyder le croyant, ne pouvait que s'éclater en faisant un film sur Jésus, enfin.. oups, Superman. Man of Steel dégouline en effet de métaphores christiques (qu'on avait paradoxalement plus reproché à Singer pour Superman Returns), jusqu'à l'âge même de Superman : 33 ans. Alors j'ai un avis mitigé sur ce traitement du héros : oui, le parallèle entre Superman et le Christ est intéressant, mais le film en fait des caisses, Superman va même jusqu'à se confesser dans un église. Et puis le film finit par nous dire que Jésus est américain, puisque Kal-El est clairement américain et protège les States, pas la Terre, d'ailleurs il dit lui-même qu'il n'y a pas plus américain que lui. Et c'est là qu'est pour moi la grande déception de ce film : dans un contexte de guerre froide, je comprendrais un film aussi partisan, mais je croyais que le mur de Berlin avait chuté il y a plus de vingt ans. Franchement, même Captain America – plus patriotique tu meurs – a montré dans le deuxième volet, The Winter Soldier – qu'il était capable de plus que cela. Superman doit être universel pour fonctionner et être attachant, pas un redneck du fin fond du Kansas avec un drapeau étoilé sur le parvis de sa maison, et qui combat un Zod qui ressemble vraiment à un leader communiste (rappelons qu'il veut faire passer le collectif avant l'individuel).
Ce traitement empêche mon implication émotionnelle pour le personnage et pour tous les autres d'ailleurs, à l'exception peut-être de Lois Lane, mais ça tient sans doute davantage à Amy Adams qu'au personnage. Alors oui, le fan de super-héros et d'effets spéciaux blockbusteresques est comblé jusqu'à la lie. Mais ce même fan a connu entre temps The Dark Knight et sait qu'il peut, qu'il doit maintenant s'attendre à mieux que ce que Man of Steel lui offre, et qui reste très basique.
Quand à Snyder, sa créativité visuelle, que je lui reconnais volontiers, a été muselée, mais nul doute qu'il s'est rattrapé sur ce que ce personnage trop américain et trop christique lui a permis. Encore une fois, Snyder le thésard républicain a tout gâché, enfin presque tout.

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le 20 juil. 2014

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Cyprien Caddeo

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