NOTE : Je surestime volontairement le film. Mais je passe mon temps à me justifier plus bas dans la critique.
Gros travail qui requiert des pincettes lorsqu'on se lance dans la retranscription audiovisuelle de grands hommes. Il y a mille pièges dans lesquels tomber. Mandela, étrangement, évite certains pour mieux mettre le pied dans d'autres.
Les trente premières minutes sont catastrophiques. A grosses doses de scènes bâclées à grosses doses de voix off, de fondus à répétition, d'intrigue incompréhensible si l'on ne s'est pas intéressé un minimum au personnage avant, j'avais l'impression de voir un clip musical moderne sans musique. Je me suis alors assis plus confortablement en me disant que quitte à voir une bouzasse ratée, autant dormir un moment. Mais d'un seul coup, le film se reprend en main (à peu près vers l'incarcération).
Je fais quand même une parenthèse sur cette première partie pour expliquer pourquoi je pense qu'elle ne marche pas :
Ce début bâclé a la lourde tâche de nous présenter le personnage de Mandela au travers de ses idées, de sa vie privée, ... ; on nous présente parallèlement la situation actuelle de l'Afrique du sud, on lance l'intrigue principale, etc. Et en 30 minutes, c'est juste pas possible. Et pourtant, on voit la volonté du réalisateur de nous plonger dans son univers à grand coup de raccords de plans, parfois un peu moches ; de blancs racistes, de noirs fêtards, de résistance, ... Mais tout est fade puisque rien ne prend le temps d'être mis en place. On passe sur les événements à toute allure, saupoudrant le tout de voix-off en espérant que ça passera mieux.
On retrouve les bonnes intentions en ne présentant pas Mandela comme un personnage blanc comme linge (bwahaha). Ici, on nous montre ses petites infidélités pour le nuancer. Le problème c'est que les aventures de jeune Mandela chez les prostiputes alors qu'il est marié, j'en ai absolument rien à carrer, et la grande majorité des spectateurs aussi. Vouloir nuancer le personnage, c'est bien. Mais il faut utiliser les bons éléments ; ceux qui taperont justes et pas des petits éléments qui passent à la va-vite.
La suite du film, étonnamment, reprend de l'ampleur. Dès que Mandela se retrouve enfermé, on se concentre enfin sur les événements politiques. Bien qu'ils soient souvent maladroits, ils permettent au film d'enfin trouver son rythme. On voit Mandela triste loin de sa famille, Mandela maltraité, Mandela courageux, Mandela fort, Mandela qui souffre, Mandela qui sourit, Mandela qui pleure, ...
Et c'est le problème de tout le reste du film : le seul élément, c'est Mandela. "Mais évidemment, connard ; c'est un film sur Mandela ; tu t'attendais à quoi ?" me direz-vous. Ce à quoi je rétorque "oui ; mais Mandela n'est pas qu'un homme, c'est aussi une éthique, une justice, des valeurs ! Et c'est ça qui a constitué le personnage que l'on connait, bitches !"
Le film ne se concentre pas sur les idées de Mandela mais sur Mandela l'homme. Vu que l'homme est dépendant de ses idées, c'est évident qu'on retrouve celles-ci. Mais cet élément, qui aurait dû être central, fait souvent office de figuration. Et c'est là le gros problème du film.
Je vais prendre plusieurs exemples concrets pour que vous compreniez le problème de ce point de vue individualiste.
- Le passage en prison. On y voit Mandela souffrir, mais rester patient. Les gardes sortent les prisonniers la nuit sous la pluie, refusent des pantalons longs aux noirs, se font insulter, etc. Mandela douille sévère !
Dans la réalité, après 6 ans d'incarcération, Mandela s'est retrouvé pote avec tous les gardes ; directeur compris. Il aurait été passionnant de comprendre comment cela s'est fait, non ? Eh bien pas selon le film. Ici, on montrera la sympathie partagée entre les gardes et les prisonniers. Mais à aucun moment le film prend la peine de nous expliquer comment et pourquoi.
- La scène où Mandela invite ses enfants noirs à parler aux gardes blancs. C'est un des rares moments du film où on a la possibilité de pleinement aborder l'éthique de l'homme. Mais là encore non. Les gardes blancs sont 3 figurants inutiles dont on ellipsera la conversation. Une fois encore, la scène ne veut pas témoigner de l'éthique et des idées de l'homme, mais simplement de sa gentillesse profonde.
- La relation entre Mandela et sa femme, révolutionnaire. A aucun moment les personnages s'affrontent. Aucun débat d'idées, aucun désaccord explicite ; que du sentiment. Et pourtant, il s'agissait là de la plus grande chance au film de présenter les nuances idéologique de ces deux révolutionnaires !
Le film nous laisse quand même sourire et mérite la moyenne (je vais d'ailleurs le surévaluer à 7). Il ne faut évidemment pas le voir simplement comme un film, parce qu'il souffre de nombreux défauts. Mais il vaut la peine pour s'intéresser à son message, qui est selon moi un modèle de justice. Mandela est un homme adulé aujourd'hui, mais peu de gens savent vraiment pourquoi. L'intérêt, selon moi, n'est pas plus l'homme que ses idées. Et si vous voulez en connaître plus sur ses idées, je vous encourage à lire ses écrits. SI vous voulez quelque chose de plus proche (l'Afrique du Sud c'est pas à côté), intéressez vous à des auteurs comme Camus, à son combat, à ses prises de positions face à la colonisation et au FLN. La guerre civile d'Afrique du Sud n'est pas si éloignée de la guerre l'Algérie. Vu comme un film, il ne vaut qu'un film. Donc ne vous intéressez pas qu'au film, mais surtout à l'éthique, au sens de la justice qu'il aura malheureusement rendu de manière maladroite.