Après avoir quitté Dogville, Grace, son père et leurs gangsters arrivent dans le petit village de Manderlay en Alabama. Grace y découvre que 70 ans après l'abolition de l'esclavage aux Etats-Unis, une petite famille blanche la pratique encore sur une communauté d'afro-américains. Abasourdie et indignée Grace entreprend d'enseigner aux anciens esclaves (qu'elle a libéré) à gérer l'exploitation par eux-mêmes et de développer au sein de la communauté une entente démocratique et fraternelle entre ses membres. Pourtant, elle sera vite confrontée à une amère réalité : les esclaves récemment libérés font preuve de mauvaise volonté et de paresse face aux tâches pourtant nécessaires à leur propre subsistance. Alors, elle découvre malgré ses idéaux progressistes, égalitaires et droit-de-l'hommistes que sans une main de fer (à plus forte raison la sienne) rien n'est fait au sein de l'exploitation, le réalisateur la confronte (ainsi que le spectateur) à une réalité qui lui semble niée dans le monde actuelle : Grace surestime les capacités et la volonté humaine, mais, lorsqu'elle est mise face au fait accompli, elle se retrouve contrainte d'appliquer ce qui auparavant la révulsait...
Avec Manderlay qui fait suite à Dogville, Lars Von Trier, exploite la thématique de la démocratie forcée et de ses travers, il fait incarner à Willem Dafoe le rôle du père cynique, raciste et méprisant mais en lui prêtant pourtant des propos qui au fil du métrage vont s'avérer véridiques, quand, dans le même temps, Grace va voir ses idéaux un à un être démentis et s'effondrer.
LVT dépouille le paysage comme il l'avait fait dans Dogville afin que le spectateur ne se concentre que sur les dialogues et les interactions entre personnages.
Enfin, LVT ne tombe jamais dans le manichéisme : certes il critique une certaine idéologie progressiste qu'il juge mortifère mais (et il conclut son film avec cette réflexion) il n'oublie pas de rappeler que les travers et conflits ethniques qui ont suivi l'abolition de l'esclavage aux États-Unis (ségrégation, KKK, violences policières) n'ont été que le produits d'une Amérique blanche qui ne semblait partiellement pas préparée à la libération des noirs et qui en conséquence, était responsable des griefs dont elle accusait cette même communauté.