Critique : Maniac (par Cineshow.fr)
22 ans après le chef d’œuvre glauquiscime de William Lustig, Alexandre Aja et Gregory Levasseur s’emparent de l’histoire de ce psychopathe pur jus pour en livrer une nouvelle copie, version 2.0. Un nouveau script que Franck Khalfoun est chargé de mettre en images après un 2ème sous-sol pas vraiment marquant (mais pas déplaisant), dans lequel il dirigeait la fortement bombée Rachel Nichols (déjà vue dans le premier G.I. Joe) et un Engrenage Fatal totalement inconnu. Un tâche peu évidente que celle de passer derrière un monument du genre horrifique, un film référence ayant profondément marqué le cinéma d’Aja (une des scènes de Haute Tension fait une immense référence à Maniac), mais visiblement une tâche un peu trop lourde car malgré de très bonnes idées de départ et un jusqu’au boutisme salvateur dans sa réalisation, le film de 2012 ne fonctionne pas aussi bien que l’original, ne fait pas vraiment peur et du coup, parait assez vain.
L’un des points d’intérêts de Maniac, c’est ce fameux choix de se placer du point de vue du tueur, au sens littéral. La caméra se substitue à ses yeux non seulement dans l’introduction comme dans le film de Lustig, mais pendant l’ensemble du long-métrage. Un véritable exercice de style qui se veut être l’argument de vente numéro avec l’attendue ultra-violence frontale à laquelle Aja nous a jadis habitué. Un parti pris artistique qui fonctionne plutôt bien durant les premières minutes, avec la poursuite de la première victime qui imprime en quelques plans l’ambiance crasseuse et lourde inhérente au récit. Autant de promesses franchement enthousiasmantes qui se voient décuplées par la position rare voire inédite que le spectateur occupe, face à une proie facile fraîchement sortie de boîte. La sensation est jubilatoire et l’on gage à ce moment là que l’heure vingt suivante sera du même calibre. Le réalisateur et les scénaristes s’amusent à transformer le spectateur d’ordinaire passif en véritable moteur pervers de l’action jusqu’à l’issue forcément défavorable pour la demoiselle et franchement radicale, débouchant de manière brutale sur l’affichage du titre du film à l’écran. Mais le coté primaire cette introduction ne sera que de courte durée, le film entrant assez vite dans un instant de vie éculé du tueur fou, dont la passion se révèle être l’art de scalper des membres du sexe faible dans la plus grande sauvagerie pour enrichir sa collection de mannequins. Une boucherie qui pourrait pu fonctionner si le scénario avait su déjouer les pièges que la vue subjective apportait. Car pour fonctionner, Maniac sait qu’il doit développer sa propre grammaire de la peur, le recourt aux techniques habituelles ne fonctionnant évidemment pas du fait que nous nous trouvons à même sa tête.
Maniac peine à maintenir son histoire à l’eau tant les situations vécues par le tueur et celles des quelques relations qu’il entretient convergent régulièrement vers le grotesque, anéantissant toute sentiment de pression, de stress crescendo ou même de simple frisson. En étant dans la position de celui qui tue, la capacité qu’a le film à prendre au dépourvu le spectateur se limite aux scènes de poursuite des victimes (s’échapperont-elles ?) et à la surenchère de scènes chocs à base d’effets spéciaux pour le coup réussis, exception faite du dernier. L’écriture ne semble donner que de la matière pour la technique du POV (point of view), en oubliant parfois de travailler vraiment les enjeux et ressorts dramatiques du film. De fait, Maniac ne renouvelle que peu ses armes sur l’ensemble de la bobine pourtant d’1h20, provoquant rapidement une sensation de déjà-vu pour ne pas dire de franche redondance. Les victimes se multiplient apportant leur lot de sensualité et d’érotisme à un récit qui compte aussi là-dessus pour exciter son audience probablement majoritairement mâle. Même l’intrigue fil rouge qui voit évoluer une relation ambiguë entre le tueur et une jeune photographe (Nora Arnezeder) au style artistique un peu étrange ne convainc pas vraiment. Résultat, toute cette belle mécanique au demeurant très intéressante sur le papier s’essouffle franchement trop vite.
Jamais innovante, jamais surprenante et franchement plate, cette relation qui jalonne le récit est pourtant l’un des rares référents avec la réalité et surtout l’un des leviers pour le réalisateur pour justifier à plusieurs reprises le rappel aux souvenirs du psychopathe. Des souvenirs remontant à l’enfance se matérialisant tels des flashs furtifs dans une réalité fantasmée théâtre des traumas de sa jeunesse, et explication ostentatoire de sa folie. Un choix forcément déceptif dès lors qu’il est intervient car s’apparentant à de la psychologie de comptoir, annihilant le faible intérêt que nous avions pour le personnage que pourtant nous habitons le temps du film. En ressort un portrait un brin fadasse d’un tueur une série comme le cinéma nous en a déjà donner à voir de nombreuses de fois. Elijah Wood ne déshonore pas le rôle et s’y donne même à fond lors des rares séquences où il est visible (via des reflets, miroirs ou simplement lorsque la caméra s’éloigne de lui pour appuyer l’aspect schizophrénique du bonhomme), pourtant il n’arrive pas à emporter l’adhésion de part son physique qui ne colle pas avec la brutalité des crimes. Et quand bien même si lors d’une séquence l’une des futures victimes rappellera en clin d’œil le physique craspec du tueur dans le film de Lustig, ce ne sera pas suffisant pour le faire oublier. Wood n’a pas grand-chose à voir Joe Spinnel (l’acteur d’origine) et malgré son allure fluette qui le rend d’autant moins soupçonnable, force est de constater qu’on aurait été un peu plus convaincus avec un autre gabarit.
Doté pourtant de quelques scènes assez incroyables (l’introduction mais aussi un plan-séquence barbare dans le dernier tiers précédent un scalp particulièrement atroce) et d’une bande son réellement convaincante composée par ROB (du groupe Phoenix), Maniac n’arrive jamais à maîtriser ni à redresser son rythme bancal et peu attractif. Malgré des interprétations franchement correctes de l’ensemble des membres du casting, la faiblesse du scénario ne peut empêcher l’installation fatale d’un ventre mou en plein milieu du récit, une perte d’adhésion grandissante qui ne sera stoppée que ponctuellement par les scènes de mise à mort. C’est assez regrettable car sans être un grand film d’horreur, Maniac aurait pu prétendre au rang de film de genre honnête. Malheureusement, les trop nombreuses erreurs auront raison de lui et ce n’est pas le final totalement foutraque et brouillon qui sauvera les meubles. Au regard de tout cela, on se dit que le remake n’était pas franchement indispensable. On espère retrouver la bande derrière le projet (Grégory Levasseur, Alexandre Aja (pourtant apprécié en ces lieux grâce à sa filmographie de genre franchement réussie) et le réalisateur Franck Khalfoun) prochainement sur des nouveaux projets plus aboutis et palpitants !