Monument du shocker et pur produit d'une époque dégueulasse, doublé du portrait aussi dérangeant que touchant d'un psychotique asexué traumatisé par l'image de sa mère, le "Maniac" de William Lustig n'appelait aucune révision, se coulant de plus très mal avec notre époque aseptisée. A l'annonce d'un remake supervisé par le duo Aja / Levasseur et le producteur Thomas Langmann, le fan pur et dur avait déjà préparé le goudron et les plumes. Et pourtant...
Ayant tout compris au concept de remake, les créateurs de cette nouvelle version décident de conserver la trame initiale (à peu de chose près, l'histoire est la même, changement de mégapole excepté) mais d'en changer complètement l'approche formelle, filmant l'intégralité du film du seul point de vue du tueur, son visage n'apparaissant qu'à travers les reflets et les photos, ainsi que lors d'une scène de meurtre où il semble comme détaché de son enveloppe corporel.
Le principe de la vue subjective n'est certes pas neuf dans le cinéma mais fonctionne ici à plein régime, apportant un malaise profond au spectateur contraint de s'identifier à cet être abject et à être non plus témoin mais complice d'actes atroces. D'une maîtrise technique incroyable, le procédé doit toute sa réussite à une coordination parfaite entre le chef op', le comédien et sa doublure.
Choix considéré dans un premier temps comme absurde, la présence du frêle Elijah Wood, à jamais associé à l'image de Frodon, s'avère au contraire d'une pertinence absolue, son physique inoffensif, couplé à un regard enfantin, renforçant cette impression de malaise qui imprègne tout le film, même si plus de sobriété dans son apparence aurait été à mes yeux plus judicieux. Complément parfait au Frank Zitto de Joe Spinell, la star s'y révèle d'une justesse exemplaire, confirmant une orientation de carrière courageuse et passionnante. A ses côtés, Nora Arzeneder, si elle n'est pas la plus grande comédienne du monde, colle parfaitement à son personnage de girl next door.
S'il n'apporte thématiquement rien de nouveau au classique de Lustig et tombe une fois ou deux dans la facilité (le monde de l'art et le petit copain sont forcément pourris), "Maniac" n'en reste pas moins une agréable surprise formellement fascinante, bénéficiant d'un score electro hypnotique et des maquillages déments de KNB, et démontre magistralement que l'on peut encore proposer quelque chose de bien déviant à une époque où tout est calibré.