Mank
6.3
Mank

Film de David Fincher (2020)

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Au début des années 90, Jack Fincher, le père de David Fincher, écrit le scénario d’un film qui aurait pour but de se focaliser sur Herman J. Mankiewicz, le scénariste du révolutionnaire Citizen Kane d’Orson Welles (1941). Le but était de mettre en lumière le nom de Mankiewicz, totalement oublié de l’histoire du film de Welles, justement à cause de l’aura de ce-dernier en tant que génie créatif. Fincher fils tentera alors, par plusieurs fois, de lancer la mise en place du film imaginé par Fincher père, mais il se butera à quelques difficultés qui l’empêcheront pendant longtemps de mener son projet à bien. Dans les difficultés les plus notables, on peut mentionner le fait que, en 98, Mank a failli se faire, mais la volonté de Fincher de tourner son film en noir et blanc a quelque peu fait peur au studio, qui finira par avorter le projet. C’est donc un film que David Fincher traîne avec lui depuis longtemps, voulant accoucher d’un film qui ferait honneur au script écrit par son père. Heureusement pour lui, après quelques collaborations avec Netflix, parmi lesquelles les très bonnes séries House of Cards (2013) et Mindhunter (2017), la plateforme au N rouge, bien connue pour laisser une liberté créatrice totale (pour le meilleur comme pour le pire) à des grands créateurs, donne le feu vert et un budget suffisant à Fincher pour qu’il puisse finalement réaliser Mank.


Dans les années 30, le scénariste Herman J. Mankiewicz, perçu à la fois comme un homme très intelligent et un alcoolique notoire, est approché par Orson Welles, tout juste rendu célèbre grâce à son adaptation en pièce radiophonique de La Guerre des Mondes de H.G. Wells, qui lui demande d’écrire le scénario d’un film s’inspirant du magnat de la presse William Randolph Hearst. Seulement, après un accident de la route, Mank se retrouve paralysé et logé dans une chambre, afin qu’il puisse rendre le script de ce qui deviendra Citizen Kane en temps et en heure. Il sera assisté par la jeune Rita Alexander, jouée par Lily Collins, avec laquelle il aura certaines discussions quant à l’évolution du système hollywoodien auquel il a assisté au fil des années, une évolution qui sera montrée au spectateur sous forme de flashbacks.


Pour Fincher, nul doute que la réalisation de Mank a dû représenter une épreuve conséquente. Nous parlons d’un film basé sur le scénario écrit par son père, qu’il n’a aucune envie de dénaturer, et qui raconterait la genèse d’un des plus grands films de tous les temps. On peut comprendre que certains studios se soient montrés réticents à l’idée de produire un tel film, tant le projet, véritablement épineux, aurait pu décevoir sur de nombreux points. Et force est de constater que, même si je ne suis pas un grand fan du film, Fincher s’en sort admirablement bien.


Comme toujours avec lui, on retrouve cette réalisation que l’on sent millimétrée, cet amour pour la perfection, qui allait jusqu’à faire tourner la même scène à Amanda Seyfried durant toute une semaine. Le film de Fincher parvient à rendre un hommage touchant à de nombreuses trouvailles visuelles de Welles, sans pour autant tomber dans la citation bête et malhonnête : qu’il s’agisse des transitions entre les scènes du présent et celles du passé, avec cette impression de voir des lumières s'éteindre, de la façon dont Fincher a de mettre en valeur des décors grandioses et somptueux, ou encore de la magnifique photographie de Erik Messerschmidt, qui parvient à créer, par son habile utilisation du filtre noir et blanc, de véritables tableaux dont la beauté se verra rehaussée par le travail impressionnant qui a été effectué sur la lumière. Le scénario de Jack Fincher n’est pas en reste non plus, car on assiste aussi bien à une progression narrative maîtrisée de bout en bout, et construite avec des flashbacks à la manière du film de Welles, mais aussi à quelques scènes d’une grande justesse, notamment la scène de discussion entre Marion Davies et Mank alors qu’ils déambulent dans les rues d’Hollywood avec quelques coups dans le nez, ou encore la scène finale, puissante en terme de double sens et de charge formatrice pour le personnage.


Et malgré tous ces bons points, le film est rarement parvenu à me sortir de mon ennui profond. Bien que le long-métrage soit magnifique visuellement, j’ai tout de même du mal avec la pertinence de réaliser Mank en noir et blanc, surtout si c’est pour y injecter des effets visuels à peine dignes d’un étudiant en cinéma de première année, à savoir les brûlures de cigarette sur la pellicule. Quand t’approches de la soixantaine, tu peux pas faire ça David, c’est pas intéressant. Par ailleurs, la mise en scène de Fincher, bien qu’elle ne soit pas contre-productive, se fait beaucoup trop discrète : il y a trop peu de moments marquants, alors que l’on parle d’une époque de l’histoire du cinéma passionnante. Comme si le fils, par sa mise en scène, ne voulait pas prendre part sur le récit orchestré par le père.


A terme, bien que, de prime abord, on pourrait penser que la durée du film (2h11) n’est pas suffisante pour rendre compte de la complexité d’une telle période, il s’avère que le film m’aurait paru moins ennuyeux s’il était moins long. On pourrait également mettre ça sur le compte de l’aspect hermétique du film, celui-ci étant tellement parsemé de noms et d’éléments propres au Hollywood des années 20-30 qu’il en devient indigeste pour le moindre néophyte d’un tel domaine (mea culpa). Par conséquent, Mank représente, pour moi, une réalisation à but véritablement cathartique vis-à-vis de Fincher : c’est un film qu’il devait tourner depuis des années et, après la mort de son père, il se devait de mettre en images l’histoire écrite par un homme passionné de cette période de l’histoire. Le geste est beau ; le résultat m’est indifférent. Un film qu’il me faudra revoir après quelques années, lorsque j’aurai étoffé ma cinéphilie, mais qui aura, sans doute, déjà marqué de nombreuses personnes.

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le 9 janv. 2021

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Swann

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