Loin de Macondo, la Colombie de ce film lent et peu spectaculaire est gangrénée par une violence dont l'extrême banalisation renforce l'aspect maléfique. Les paysages sont magnifiques, cette jeunesse colombienne réduite à des expédients coupable respire la vie, mais les femmes sont quasiment absentes du cadre de références de ces héros coupés de tout ce qui pourrait donner un sens à leur existence. Pourtant, ils ont des familles, qu'ils gardent soigneusement en périphérie de leur quotidien, parce qu'avoir une famille, c'est s'exposer à la souffrance de la perte, la seule véritable émotion qu'ils semblent désormais pouvoir éprouver, bien malgré eux, sans même vraiment l'anticiper ou la verbaliser jamais. Ainsi ces deux frères chargés de convoyer une torpille bourrée de sachets de drogue pour le compte de simplets gradés dans leur petit cartel local. Le moindre petit macho famélique brandit des armes rutilantes sans avoir suffisamment de matière grise pour anticiper la douleur qu'elles peuvent provoquer et les ravages que le deuil leur infligera quand, en toute inconscience, ils auront sacrifié les rares personnes auxquelles ils tenaient. Car ils sont bien trop jeunes pour avoir conscience de quoi que ce soit de profond, et bien trop armés pour espérer avoir le temps d'y parvenir. C'est tout le drame de cette violence désinvolte, même pas romantique, fondée sur des pauses de cowboys ou de badguy hollywoodien, dont on singe les mimiques et les postures. Un tableau bien pathétique qui ne trouve aucune conclusion tant l'espoir semble absent de cette descente progressive dans l'inhumanité la plus triste.