Des visages fermés, des regards tendus et soupçonnés, des mains agrippées aux fusils mitrailleurs, ainsi débute Manos sucias. Film colombien réalisé grâce à de nombreuses subventions, il offre une perspective différente d’un cinéma sud-américain au final assez peu médiatisé à part quelques œuvres comme La Cité de Dieu, Dans ses Yeux ou Amours Chiennes.
Le pitch est assez traditionnel. Trois hommes sont chargés de convoyer par bateau une cargaison de cocaïne d’un point A à un point B. Ce voyage sensé être une formalité se révèle bien évidemment plus complexe que prévu et ils se retrouvent vite confrontés à de nombreuses péripéties.
Les trois hommes réunis sur cette petite embarcation par le hasard du destin ont peu de choses en commun, excepté la volonté de se sortir de cet environnement de drogue et de violence qui gangrène leur existence.
Jorge, petit blanc raciste est impulsif à l’excès. Jacobo est un grand échalas au visage dur. Vêtu de bottes de jardinage noir et d’un polo orange, sous ses airs braves, il est rongé par la mort de son fils, tué par les paramilitaires. Le troisième Delio est un jeune homme issu des favelas et qui ne voit dans ce voyage qu’une opportunité de gagner un peu d’argent. Inconscient du danger, ce voyage va lui enlever définitivement cette insouciance si caractéristique de la jeunesse.
Le cadre, à l’instar des personnages dégage une sauvagerie enfouie, tapie mais qui ne demande qu’à surgir. Cette violence est prête à jaillir à chaque instant. L’océan a beau être paradisiaque, sous les moments de joie le drame couve. Ils n’en ont pas forcément conscience, mais les protagonistes jouent leur peau. Un faux-pas et toute leur vie s’écroulent. Peu de paroles sont échangées entre les différents protagonistes à part pour discuter de football, tout se joue dans les attitudes, les hochements de tête, les regards, les non-dits. Certes, le scénario gagnerait parfois à ajouter un peu de tension mais l’agencement des scènes reste assez subtil pour nous entraîner.
Manos sucias est un premier long-métrage impressionnant de fluidité et de maîtrise pour un jeune réalisateur débutant. Certainement pas le film de l’année mais une belle surprise qui mérite d’être vue, ne serait-ce que pour ses paysages grandioses et remarquablement bien filmés.