Quel scoop : Hollywood serait le repaire de tous les vices et de toutes les névroses. Un univers pourri jusqu’à la moelle par l’argent, peuplé d’acteurs, de producteurs et d’agents mesquins, calculateurs et jaloux. Un microcosme agglutiné sur les collines de Los Angeles, qui se croise et se toise, se séduit et se manipule. On n’a hélas pas attendu David Cronenberg pour le savoir. Le réalisateur de La Mouche semble donc arriver après la bataille mais il a au moins le mérite de ne pas renoncer à ses thèmes et ses obsessions qui trouvent dans la cité du cinéma un idéal terrain à propagation. Sur une forme chorale, le film imbrique ainsi les trajectoires de plusieurs personnages : des enfants et des adultes, des stars et des inconnus qui aspirent à le devenir. Tous ont en commun d’être profondément névrotiques, qui schizophrènes, qui paranoïaques, tous accros aux drogues et aux médicaments.

Mise en scène clinique pour un film très inégal : les scènes avec Julianne Moore emportent largement la mise. Elle y compose une actrice qui craint de devenir has been, se bat pour un rôle (celui de sa propre mère) et lutte contre ses fantômes. Guère à son avantage, à la limite de la vulgarité et du mauvais goût – au demeurant, l’apanage largement partagé de Hollywood – le réalisateur la filme dans des situations scabreuses (constipée sur la cuvette des WC) et fait d’elle un être complètement immoral et faux. Il est vrai que les autres ne valent guère mieux, y compris chez les plus jeunes. C’est sans doute dans cette dimension que le film en devient le plus terrifiant, lorsqu’il montre la capacité infernale du système hollywoodien, comme si cela était inscrit dans ses gênes, à pervertir toux ceux qui l’intègrent. Le jeune Benjie, star d’une série à succès, malgré ses 13 ans, semble déjà blasé et vieilli avant l’âge.

La partie fantastique du film développant une mise en abyme assez sidérante ne convainc pas entièrement, même si elle porte indéniablement la signature du cinéaste canadien. La férocité et l’humour qu’il distille tout au long du film sont autrement plus jubilatoires. On pense beaucoup dès lors à l’atmosphère des livres de l’auteur californien Bret Easton Ellis. Dans une avalanche de name dropping, une débauche de luxe (maisons, objets, marques) qui associe le plus souvent l’ostentation vulgaire au vide sidéral, une impudeur inconsciente qui dynamite les frontières de l’intimité et, avec elles, celles de la dignité, sinon de l’humanité, une liberté décomplexée envers les drogues, et plus généralement, tous les excès, c’est donc bien le même esprit satirique, celui de l’auteur de Glamorama, qu’on retrouve ici. Dommage qu’il s’évapore peu à peu, dilué dans les clichés, remplacé par une cérébralité sérieuse dès qu’il s’agit de fouiller les méandres des cerveaux malades.
PatrickBraganti
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le 23 mai 2014

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