L'inconscience des dieux...
Sois le premier, le meilleur ou triche ! Telle est la devise d'un trader qui se respecte. C'est cette devise que J.C Chandor met en scène en réalisant Margin Call, son premier film. Inspiré de la véritable histoire de la crise financière de 2008, Margin call relate l'amorçage de la bombe financière et les quelques heures suivantes dans les bureaux de la grande banque américaine qui déclencha les évènements des subprimes. On a donc ici un thème extrêmement intéressant qui va pourtant être exploité de manière assez inégale tout au long du film.
La mise en scène ne trouve pas grand chose à redire. Le réalisateur tente ici un quasi huis-clos qui fonctionne plutôt bien. Le sentiment de puissance et de supériorité des traders et autres chefs d'équipes ou big boss est très bien mis en scène. La vue qu'ils ont depuis leurs bureaux de gratte ciel et les plans en contres plongées en font des dieux de la finance. Des hommes aux bras tellement longs que la moindre opération sur un clavier d'ordinateur pourrait bouleverser le monde. Mais ces hommes de l'ombre ont tellement de puissance que la vie ne leur suffit plus. C'est donc la dépression qui les empare. Et ce sentiment caché au fond de chacun de ses hommes se reflète de manière exponentiel dans leurs attitudes. Le rapprochement entre la grande dépression financière que subira le monde et l'état psychologique des hommes qui tienne cette finance apparait donc évident et c'est ici la plus grande réussite de Chandor dans son film.
Les dialogues sont quant à eux assez percutants et J.C Chandor fait tout pour que le spectateur lambda se sente à l'aise. Tout en expliquant subtilement les systèmes et les analyses financières qui ont déterminés la crise, il ne va pas pour autant lésiner sur les termes techniques afin de ne pas prendre de haut son public. De sorte, on arrive à suivre et on peut se permettre une plongée submersive dans le monde de la banque sans être complètement largué.
Mais ces dialogues ne seraient rien sans le jeu d'acteur qui les mettent en valeur. Et c'est malheureusement à ce niveau que le bât blesse. Le casting est assez hétérogène. On trouve d'un côté Kevin Spacey, Jeremy Irons et Stanley Tucci qui donnent une profondeur incroyable à leurs personnage et qui arrive à retranscrire l'humanité ou le manque d'humanité dans chaque acte. D'un autre côté, des personnages dont celui de Zachary Quinto ou Demi Moore qui sont ratés et qui manquent de densité entraînant quelques longueurs dans un film qui repose principalement sur les prouesses personnelles des acteurs.
Au final, Chandor n'a vraiment pas à rougir de son premier long métrage car il a réussi avec ce Margin call, au moins à égaler le film très abouti de John Wells, The Company Men.
Pierre E.