Grand angle sur une paire de chaussures, filmées au ras du sol, dans des toilettes. Le type est juste assis, habillé. Il chiale, parce qu'il va se faire virer, pour la première fois de sa vie, à 23 ans, après avoir gagné 250.000 dollars l'année précédente. Il est trader, et comme tous les autres, en cette année 2007, il n'a rien vu venir.
Margin Call nous raconte, en 24h vue par une dizaine de protagonistes, le prélude à la crise des subprimes.
Dans Margin Call, pas de héros, pas de méchants, pas de victimes. Chaque acteur est à la fois dépassé par une machine plus grande que lui et responsable à titre individuel. Certains adorent le système, d'autres le redoutent, d'autres enfin s'en foutent.
J.C Chandor filme tout ce petit monde avec un minimum d'effets, mais avec des cadrages hyper précis. Pas de plongées ni contre-plongées pour encenser ou victimiser ce petit monde. La caméra prend parfois un peu de hauteur ou s'abaisse, suit les acteurs, mais toujours à l'horizontale. L'action se passe principalement de nuit, dans un immeuble et les lumières semblent aussi artificielles que l'activité des traders.
La scène où deux pontes se discutent dans l’ascenseur, face caméra, avec entre eux la femme de ménage qui commence sa tournée du matin, semble particulièrement révélatrice. La femme de ménage ne comprend rien, n'y est pour rien, mais elle sera sans doute virée comme tout le monde.
L'ensemble du casting, très bon, joue parfaitement son rôle : donner une intensité dramatique à un jargon totalement abscons. Là encore, pas d’empathie forcée. C'est un naufrage, il mais contrairement à une scène classique du film américain, il n'y a pas de discours mobilisateur à la fin, pour triompher de l'adversité.
En voyant Margin Call, je n'ai pas mieux compris la crise des subprimes, mais j'ai vécu un vrai moment de cinéma.