Margin Call par Feedbacker
Avec un casting de fortes têtes (Kevin Spacey, Jeremy Irons, Demi Moore, Paul Bettany - entre autres), le premier film de J.C. Chandor se lance dans le projet ambitieux de montrer, en 24h, le déclin d'une société de Wall Street à la veille du krash de l'automne 2008.
Le jargon boursier parfois employé m'est parfaitement incompréhensible et à part le fait qu'ils découvrent un énorme problème dans leur façon de vendre/d'acheter, j'avoue ne pas avoir appris grand chose.
En gros, un trader, un soir, après avoir fait des calculs compliqués, se rend compte qu'ils ont poussé le bouchon un peu loin dans leur soif de profit. "Fuck me!" lâche-t-il, formule que reprendront ses supérieurs, et les supérieurs de ses supérieurs au fur et à mesure que l'info sera diffusée. Ça, ça prend déjà une bonne heure du film. On remarque avant tout que plus on gravit les échelons et moins les patrons comprennent les détails du travail d'un trader, et se rapprochent finalement du degré de compréhension d'un citoyen lambda (sauf que eux gagnent des millions).
Ca rappelle assez Contagion de Soderbergh dans la façon de montrer comment une information se relaye en peu de temps entre les différents organismes concernés. Mais là où Contagion décortiquait la diffusion d'un virus par les regards croisés de tous les acteurs en jeu (y compris la population touchée), Margin Call ne fait que remonter la hiérarchie d'une société pour que chacun puisse constater, à son niveau et avec son vocabulaire : "on est dans la merde".
Bien sûr on pourrait analyser ces rapports de hiérarchie, les personnages-types que chacun représente dans cette chaîne : le jeune trader qui ne pense qu'au fric, celui qui a une vague crise de conscience, ou le bigboss très pragmatique qu'interprète Jeremy Irons avec fermeté...
Ce beau monde de la finance vit en dehors de la réalité : l'action se concentre sur le building de la société et les rapports avec le monde extérieur sont minimes, voire inexistants. Ils n'en ont pas conscience et évoquent "les gens normaux" comme des étrangers. L'une des meilleures réflexions faites par les personnages est celle de Jeremy Irons lorsqu'il dit que "ce n'est que l'argent, des bouts de papier" ; car finalement dans le film, toute l'ampleur du désastre est purement théorique ; ils ne peuvent que l'imaginer mais n'en verront jamais les conséquences matérielles. "J'ai l'impression de rêver" dira l'un d'eux, ce que Spacer reprendra : "On est plutôt en train de se réveiller".
Y'a de l'idée, mais de là à dire qu'il s'agit d'une critique du capitalisme libéral, ça me paraît un peu léger...
Il y a quelques bonnes scènes, et à ma grande surprise Paul Bettany se débrouille assez bien dans son rôle de petit rapiat de la finance. Son discours sur le toit où il se penche dans le vide, ou son tête-à-tête avec le fameux Eric Dale sur la rentabilité d'un pont, sont des prises de recul très intéressantes pour ces protagonistes. Mais le tout reste trop faible et trop timide.
La mise en scène manque de dynamisme , on voudrait que les réactions s'enchaînent avec plus de fluidité ; et si Chandor lance de bonnes pistes sur le vertige que peuvent ressentir ces personnages au bord de la faillite, il émet encore trop de réserves dans son développement.
C'est propre, bien fait, tout en finesse. Mais un peu trop, justement.