Voix de garage
Marguerite avait a priori tout pour me déplaire, appartenant à cette catégorie de films français qui n’est pas la mienne, à la fois ambitieux dans leur volonté d’imiter les biopics à l’américaine...
le 27 sept. 2015
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Marguerite Dumont aura bien fait parler d'elle dans les années 1920. Cette femme, dotée d'une grande fortune, adore par dessus tout l'opéra à tel point que cela en devient obsessionnel. C'est ainsi qu'elle est exploitée par la haute bourgeoisie qui l'entoure, la laissant croire qu'elle possède une voix sublime. Le gros problème est que Marguerite ne s'entendant pas chanter se prend pour une réelle diva et ne réalise pas qu'elle interprète les plus belles œuvres de Mozart, Bellini et consort avec une voix de casserole, massacrant avec un enthousiasme hors du commun tous ces trésors lyriques. Georges, son époux, qui n'a d'intérêt que pour la fortune qu'elle possède, ne supporte plus les affronts qu'elle lui fait indirectement subir en se produisant dans les galas de bienfaisance organisés par le très "col et monté" "Cercle Amadeus". La pauvre se fait exploiter également par de jeunes anarchistes qui l'invitent à chanter dans un cabaret parisien une "Marsellaise" qui va déchaîner les passions. Rien n'arrête Marguerite dans sa frénésie, même pas les rires et les sarcasmes. La "cantatrice" va jusqu'à prendre un professeur de chant en la personne de Il Divo, chanteur quelque peu frivole en fin de carrière, pour un feu d'artifice: Marguerite en concert à l'Opéra...
Cette histoire nous révèle un monde de lâcheté, un monde cruel, un monde intéressé qui gravite autour d'une femme riche, se croyant talentueuse et vivant dans un rêve permanent et dangereux. Marguerite se voit chanter des opéras de compositeurs célèbres au côté d'artistes réputés et dans les salles les plus prestigieuses. Mais comment a t-elle pu en arriver à ce point de folie? La "chanteuse" est entourée d'un mari qui ne l'aime pas, la délaisse et n'ose pas, malgré sa honte, lui révéler toute la vérité sur son grotesque manque de talent. Un cercle de la haute société l'exploite en la laissant se produire en public surtout en fait parce que la pauvre femme dote fort généreusement ce petit cercle de bourgeois à l'esprit étroit et malsain. D'autres l'utiliseront pour exploiter le ridicule qu'elle provoque dès qu'elle entonne un air d'opéra, comme ces deux copains anarchistes qui la décideront à chanter dans un "bouge" une "Marseillaise" pitoyable provoquant un véritable scandale auprès des spectateurs et aussitôt mise à la une d'une presse déchaînée. Atos Pezzini dit "Il Divo" en pleine décadence et son pianiste sourd vont faire semblant de lui apprendre à bien chanter, salaire oblige. Seul Madelbos, son majordome africain, semble nourrir une certaine compassion pour Marguerite, faisant des photos de celle-ci en tenue de scène qu'il développe amoureusement une fois seul. Cependant celui-ci comme les autres n'ose pas avouer le fond de sa pensée à sa patronne.
Seul un événement impromptu serait susceptible de faire prendre conscience à la diva de sa voix. L'intervention d'un médecin pouvant lui faire écouter l'une de ses prestations enregistrée devrait faire l'affaire afin qu'elle se rende compte que ses rêves de scènes célèbres doivent la quitter à tout jamais. La vérité provoque parfois des désastres mais le silence et la lâcheté voire la cruauté ne sont-ils pas les vrais responsables?
Ce film remarquablement bien réalisé par Xavier Giannoli est inspiré de la vie d'une cantatrice américaine très nantie, Florence Foster Jenkins décédée en 1944, dont la voix était absolument atroce mais qui néanmoins obtenait un certain succès au cours de ses concerts. Il est certain que le public venait plus pour le fou-rire que pour la qualité de l'interprétation.
Le cinéaste montre une certaine dextérité à nous dévoiler toutes les facettes du personnage de Marguerite, parfois s'extasiant devant le talent qu'elle croit avoir, parfois se démoralisant devant le peu d'intérêt que lui porte son mari. Elle évolue en permanence dans un milieu hostile et sournois et Catherine Frot est éclatante de vérité dans cette tragédie qui atteindra son paroxysme lors d'un grand air de "La Norma" qui finira par être remarquablement interprété. Je peux dire que la talentueuse actrice joue ici l'un des plus beaux rôles de sa brillante carrière.
Cette œuvre bénéficie d'une excellente distribution qui contribue à crédibiliser le personnage principal. Parmi eux je vais citer André Marcon dans le rôle de Georges, le mari. Denis Mpunga est un majordome très touchant, tandis que Michel Fau campe un chanteur lyrique que le succès commence à fuir, s'improvisant professeur de chant. Je ne veux pas oublier Christa Theret qui représente Tozel, une cantatrice à la personnalité diamétralement opposé à celle de Marguerite par sa simplicité, sa modestie et sa voix divine.
Pour terminer cette critique très chaleureuse sur ce film de Xavier Giannoli qui, je l'avoue, m'a énormément plu, je ne résiste pas à vous faire écouter un enregistrement de Florence Foster Jenkins, laquelle déchaina les passion et vous en constaterez immédiatement la raison.
Florence Foster Jenkins: "Pauvre Mozart !" :
https://www.youtube.com/watch?v=qtf2Q4yyuJ0
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le 21 sept. 2022
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