La Callas. On connaît sa voix, on en connaît l’ouverture, le caractère profondément mélodieux, en même temps que sensible, intense. La première surprise émanant de ce documentaire est la découverte de la voix parlée de la diva : une voix fluide, claire, presque joueuse, qui tourne librement dans son gosier, rendue plus mélodieuse encore par son accent, dont on ne saurait dire s’il est plus grec ou plus anglais. Effet saisissant : dès que la Callas parle, comme ces enchantées qui produisent des pierreries sitôt qu’elles ouvrent la bouche, elle chante...
Avec beaucoup de pertinence, Tom Volf, dont c’est ici la première réalisation, a choisi de donner la parole, exclusivement, à cette voix. À l’inverse d’autres documentaires centrés sur des célébrités, celui-ci ne s’organise pas autour d’un faisceau de témoignages et de regards portés sur la star, c’est la diva elle-même qui se raconte, à travers le montage savant de documents, d’archives ou inédits, recueillis au cours de quatre ans d’enquête. Sillonnant le monde pour aller rencontrer celles et ceux qui l’ont côtoyée, le réalisateur a ainsi assemblé toutes les images et toutes les captations possibles, souvent discrètement « pirates » lorsqu’il s’agit de concerts. La parole alterne donc avec le chant, le noir et blanc avec la couleur, et l’on chemine, guidés par la Callas elle-même, sur le fil chronologique de sa propre existence. Est ainsi projeté un éclairage sur ses fameuses défaillances, la grande éclipse romaine, qui lui a été tant reprochée, n’étant due qu’à une laryngite terrible contractée lors de la répétition dans le théâtre insuffisamment chauffé... Mais il est vrai qu’on ne pardonne rien aux divas. Imagine-t-on les dieux de l’Olympe enrhumés...?
Loin d’aboutir à une lassitude ou à une remise en cause de cette grande figure, ces années de fréquentation de la Prima Donna ont visiblement totalement séduit le jeune réalisateur. L’adoration qui s’est installée en lui et le fait qu’elle transparaisse ainsi au montage ont pu lui être reprochés. Mais, à l’heure où internet et les réseaux sociaux permettent toutes les diffamations et toutes les campagnes de discrédit, on peut également apprécier une admiration aussi inconditionnelle, généreuse, qu’aucun bémol ne vient rabaisser.
D’autant que les nombreux fragments de lettres, lus par Fanny Ardant (on peut seulement regretter que cette voix, ici très affectée, ne reflète pas la réelle simplicité de l’auteure des mots), attestent une belle personnalité, généreuse, rêveuse, apte aux regrets... Tout droit issue d’une éducation protégée puis de l’univers des opéras et des héroïnes incarnées, la Callas peut surprendre, par ses rêves on ne saurait plus humbles ni plus traditionalistes (la rencontre d’un homme qui aurait fait d’elle une femme puis une mère heureuse, n’ayant pas à courir les scènes pour trouver son bonheur...), mais ces aveux n’en sont que plus touchants et achèvent de nous convaincre que la grande Maria, restée petite fille au fond d’elle-même, ne se prenait pas totalement pour la Callas. D’où, sans doute, son infinie séduction...