Certains films sont comme des personnes à part entière. Ce film à la chaire vibrante est là qui se dresse de toute sa hauteur devant vous. Il vous écrase. Il s'impose comme quelqu'un d'un peu rustre qui n'aurait pas appris les bonnes manières, ni la politesse. Ca braille fort et faux. Ca met sa musique (chorales, comptines, chœurs,…) sans cesse et à fond, comme un voisin indélicat.
Démonstration de style ou tour de force expressionniste ? Je n’ai pas réussi à trancher ce qui me gène tant dans ce film. Il est pourtant attachant par certains aspects (les paysages canadiens, la simplicité de l’histoire, l’interprétation de certains des acteurs…) J’ai reproché, dans un précédent commentaire l’aspect "mental" d’un film beaucoup plus contemporain.
Ici c’est un peu la même impression qu'il me reste à la fin. Julien Duvivier (et son équipe) ne lâche rien de leurs « intentions » quitte à noyer ce qui aurait pu être un film pastoral plein de nuances sur la terre qui relie les hommes qu’elle fait vivre et le cercle perpétuel de la renaissance et du renoncement. Une terre fardée, par Duvivier, comme une jolie femme qui cacherait ses traits sous des couches d’artifices inutiles.
Je pense que de vous livrer ainsi mes impressions m’en apprendra plus sur moi-même que je ne vous en apprendrai sur ce "Maria Chapdelaine". J’y ai, pour ma part, vu une oeuvre qui n'a pas su me concerner. Certaines séquences sont d’une beauté limpide et d’autres sont assommées par la musique et le lyrisme d’une direction d’acteur inutilement appuyée (même pour l'époque).
La route de l’enfer est pavée de bonnes intentions : ici la bonne intention se loge partout. Le film est écrasé par l’envie du scénariste et du réalisateur de nous parler autrement, cherchant (à tout prix) à réveiller ce qu’il y a d’inconscient et de sensible chez le spectateur.
Mais ne pouvant ignorer la technique (qui ne remplit sa mission que quand elle sait se rendre invisible), je n’ai pas réussi à me laisser porter par l'émotion... ou presque.