Mariage à l'italienne par Alligator
Fev 2011:
Foutre! Que cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un film de Vittorio de Sica! La dernière fois remonte à la diffusion télévisée sur la Cinq ou M6 de la série "Pain, amour etc." On est donc dans les années 80! Tout ça pour dire que mon regard sur le cinéaste est comme tout propre, tout neuf.
J'ai bien aimé ce film, sa cruauté, son humour vache, à la tendresse cachée et surtout son duo d'acteurs, admirables, émouvants et drôles. Car il faut dire que le film repose entièrement sur leurs prestations.
Marcello Mastroianni en séducteur compulsif, phallocrate, manipulateur et arroseur qui finit par être arrosé est en tout point excellent. Son cynisme arrogant fait mouche mais quand il prend en pleine poire la contre-attaque que lui réserve Sophia Loren, son air ahuri est irrésistible.
En effet, celle qu'il embobine et qui lui rend la monnaie de cette pièce est campée par une de ces actrices italiennes qui ont rendu le monde incandescent. Sophia Loren n'est pas qu'une image brillante de la beauté trans-alpine, elle a un talent d'actrice considérable. Capable par son jeu, ses regards et sa grâce féminine de vamper le public, elle peut tout aussi bien le bouleverser en un clin d'œil, provoquer en lui des torrents d'émotions.
Aussi belle que touchante, elle joue ici une fille de joie, simple enthousiaste, une jeune écervelée qui s'assote du premier beau gosse qui lui en met plein les mirettes. Captivée, elle le suit et lui sert de bonniche. Multi trompée, elle s'en accommode tant bien que mal. En mode roseau, elle plie l'échine mais ne rompt pas.
Car la belle devient aussi una mamma! La mamma, la sainte, la madone qui sacrifie sa vie, son cœur, son orgueil à l'éducation et au bien-être de ses petits!
Mais quand le queutard se met en tête d'épouser une petite jeunette, la pute/madone/mamma se métamorphose en une lionne rusée et féroce. Certes, elle se rend coupable d'une duperie, mais le cadrage, le visage mélancolique et fatiguée qu'elle livre à la caméra nous disent que c'est là son dernier coup d'archet.
Ce qui reste plus confus, c'est la part de dépit amoureux que les deux héros mettent dans leur bataille. Sont-ils vraiment aussi éloignés l'un de l'autre? Se détestent-ils autant qu'ils le disent? S'instaure alors une sorte de suspense amoureux en quelque sorte : jusqu'où iront-ils? Le film est-il une comédie ou un drame romantique?
Sur la corde raide, les personnages, les situations et par conséquent les spectateurs ne sont sûrs de rien. On ne sait trop. De Sica manie merveilleusement bien cette incertitude, lui donne une intensité à la fois jubilatoire et grave. J'ai beaucoup apprécié cette maitrise dans l'écriture, dans le rythme avec des fractures très nettes et dans la direction des acteurs. C'est astucieux et très finement construit. L'attention est maintenue tout le long du film sur ces personnages hauts en couleurs, criant, gesticulant, se déchirant, s'aimant à plein poumons.
Un film à la générosité tout italienne, napolitaine devrais-je dire, ensoleillée, lumineuse.