La production cinématographique mondiale de 1944 n'était pas au beau-fixe, c'est un bel euphémisme. Si l'on rajoute à cette spécificité le cadre du cinéma suisse, à une époque où la Suisse incarnait une rare zone de neutralité au sein de la Seconde Guerre mondiale, on réunit tout de même une belle série de contraintes qui aurait pu nourrir un film très original. Original, "Marie-Louise" l'est de fait, et du point de vue de l'histoire du cinéma, il occupe clairement une place de choix. On ne peut que regretter que Leopold Lindtberg n'ait pas su insuffler davantage d'amplitude à ce drame de l'enfance, situé en pleine France envahie et fébrile sous les bombes de l'Allemagne nazie, alors qu'une jeune fille française est évacuée vers la Suisse.
Le contraste était pourtant doté d'un beau potentiel : le portrait de cette enfant traumatisée, hantée par les horreurs qu'elle a vécues, détonne étonnamment avec les paysages bucoliques et montagneux de la Suisse, avec ses chalets en hauteur et ses cimes enneigées. "Marie-Louise" tournera essentiellement autour de l'action de la Croix-Rouge, de la peur de la réaction des uns et des difficultés d'adaptation des autres. Beaucoup de symboles un peu lourds, vus d'aujourd'hui, comme cette peur qui se matérialise dans sa réaction lorsqu'elle entend et voit des avions suisses menaçants dans le ciel (souvenirs des bombardiers allemands chez ses parents en France).
Reste toutefois cette vision suisse du conflit, chose extrêmement rare il me semble, de la part d'un pays qui ne s'engage d'aucun côté — même si évidemment, en s'appesantissant sur les troubles de la jeune fille, et sans jamais faire référence au nazisme, on sent bien que l'empathie va dans un sens. Au détour de quelques séquences, on nous gratifie de quelques chants choraux suisses sur fond d'images alpines de carte postale, véritable havre de paix.