Ce moyen-métrage m'a très vite évoqué d'autres œuvres excellentes, puis, à un moment qui m'échappe, s'est mis à les surpasser une par une.
Le jeu d'acteur des gosses est un putain de soulagement, aucun ne m'a paru mauvais. En fait, quelque soit leur âge, tous les protagonistes sonnent juste, et c'est pas la première fois que je fais ce constat dans le cinéma roumain.
Le père est chauffeur de bus, la mère le ronge pour pas grand chose, le petit frère est chiant comme un petit frère (et c'est assez rare pour être souligné, cet équilibre). Andrei, lui, ne semble rien faire d'autre que de traîner sur les toits du quartier, près de son oncle, pour s'improviser grandes personnes avec ses potes : on fume des clopes et on épie les prostituées de la p7.
Andrei voue à Marilena un désir qui, s'il n'était pas juste l'expression d'un chantier hormonal sans précédent, serait proche de l'amour parfait : dénué de possessivité (il la regarde faire des passes dans le plus grand des calmes, tous les jours), inconditionnel et fidèle. Il va d'ailleurs en faire une priorité qui passera avant tout le monde, famille et amis y compris.
Ce film a commencé par me rappeler la Cité de Dieu, pour son cadre et le rôle que joue la population dans son propre pays : une des plus basses couches, en agglomération de la grande ville, où l'agitation joyeuse et bruyante des mômes cohabite frontalement avec le vice omniprésent des adultes. Ensuite, j'ai plutôt pensé à Monsters Inc., Marilena ayant un pouvoir proche de celui des enfants humains : ses émotions influent sur le courant électrique. J'ai eu très peur d'avoir affaire à une espèce d'élément surnaturel lourdingue mais non, jamais on ne saura si Marilena est réellement responsable de toutes ces pannes et autres court-circuits. Oui, elle semble en parler à son client comme si c'était bien un pouvoir, mais ça peut tout aussi bien être pris comme une petite blague, qui ne ferait pas tâche dans tout le jeu de séduction incertain et timide entretenu par la jeune prostituée amoureuse. Il suffit de penser que cette partie de la ville est souvent proie aux pannes (ce qui n'aurait rien de surprenant), et alors il ne reste plus que le coup de jus entre son téton et le doigt d'Andrei (ce qui n'a rien de surprenant non plus, affaire classée donc).
Malgré un rythme effréné, un découpage virtuose qui transpire le réalisme, on a aussi droit à des scènes que j'estime plus "osées", comme du split screen. Le split screen, comme ça m'a pas plu au premier abord, je peux pas m'empêcher d'en questionner l'utilité. On peut suivre les nanas qui racolent les clients en même temps que la réaction des enfants qui espionnent, ça sert pas à grand chose mais c'est cool, j'me plains pas. Par contre, les quatre écrans montrant tantôt les péripatéticiennes en plein boulot, tantôt les gosses qui se branlent, c'est du génie. C'est radical, ça montre en un rien de temps des choses qu'on a pas forcément envie de voir en détail, genre quatre scènes de cul classiques suivies de quatre petits gars qui se masturbent dans un coin (s/o à celui qui fait ça en se fixant lui-même dans le miroir, je l'ai appelé Narciscu)
Le film ne tombe dans aucun écueil, pas un qui me gêne en tout cas, son esthétique légèrement à l'ancienne, son réalisme, ses quelques prises de risques, sa fin qui ne donne absolument pas la scène d'amour qu'attendaient tous les pré-ados qui ont vu ce film, tout me parle... et fait partie d'un cinéma inestimable : celui que je cherche sans relâche quand je parcours ce site.
RIP Cristian Nemescu, qu'un accident de voiture aura tué à l'âge symbolique de 27 ans, un gâchis insupportable au vu de l'excellence qu'il avait atteint si jeune.