J'ai découvert Marjoe Gortner à l'occasion du visionnage de Starcrash - Le Choc des étoiles, film ayant la particularité d'être un terrible plagiat de Star Wars mais surtout un nanar superbement kitsch. Avec sa tête d'ahuri bien trop impliqué, Gortner y a accaparé une grande partie de mon attention et je n'ai pas regretté l'envie de faire des recherches sur le bonhomme qui a logiquement germée dans mon esprit. En effet il a dès l'âge de quatre ans commencé à exercer la fonction de prédicateur évangéliste pour l'église pentecôtiste, occupation qui l'occupera toute sa jeunesse et sur laquelle revient le documentaire Marjoe, sujet de cette critique.
Tout d'abord Marjoe nous conte son enfance, jalonnée de détails peu glorieux, dressant le portrait d'un enfant exploité comme source de revenu par des parents maltraitants, à des lieues de l'histoire du bambin touché par la grâce qu'ils lui ont fait répéter à qui veut bien l'entendre. Une fois cette mise au point faite, il est clair que Marjoe - qui a clairement pris le virage hippie - ne souhaite plus faire partie de ce monde et décide de reprendre du service le temps de venir filmer sa communauté de l'intérieur - le passage où il donne des consignes de comportement à son équipe est assez lunaire.
On ne peut plus lucide sur ce qu'il a vécu et ce qui se trame globalement derrière cette façade de croyance, Marjoe va nous dévoiler les dessous de cette communauté, donnant au documentaire son premier axe d'intérêt. Filmé en plein coeur des rassemblements, caméra a l'épaule, le film nous place en immersion parfaite, nous permettant de parfaitement en saisir l'ambiance puis alterne avec des scènes où Marjoe est face caméra et démonte tout le système dans lequel on l'a vu tant impliqué quelques secondes auparavant. Cela crée alors un décalage faisant apparaitre le tout comme un énorme cirque, où les prédicateurs essaient de faire le show au maximum pour tirer leur épingle du jeu dans ce qui est clairement un business juteux ayant pour seul but d'obtenir les économies des grenouilles de bénitier américaines - le sermon sur la Cadillac illustre tout cela parfaitement, difficile d'y voir un rapport avec dieu. Voir Marjoe, qui ne croit plus à cela, faire rentrer en transe le moindre participant, illustre bien la beauté de l'arnaque : il n'y a rien de divin là dedans, uniquement du conditionnement et de l'emprise mentale conduisant les croyants à se conduire comme des drogués attendant leur dose à chaque sermon. Voir les prédicateurs compter les billets à a fin du spectacle achève parfaitement la démonstration.
Le second axe d'intérêt du film vient de Marjoe, que l'on va voir tout le long du film répéter les sermons avec une ardeur tout à fait admirable alors qu'il ne croit plus un mot de ce qu'il dit. Il faut admirer la determination du mec, est ce devenu naturel chez lui ? Est il très bon acteur ? Ou bien se laisse-t-il tout simplement happer par le délire ? Son implication sans faille permet de berner complètement les pentecôtistes et d'obtenir des images qu'il aurait été impossible de filmer autrement et il est hautement intéressant d'avoir le témoignage de quelqu'un qui a réussi à s'extirper de ce genre d'univers si exigeant sur le plan personnel qu'il ne semble pouvoir dériver que sur du déni. Pourtant, il semble difficile d'affirmer que Marjoe n'y prend aucun plaisir, il l'avoue lui même : il aime faire chanter et danser les gens et souhaiterait le faire hors de ce cadre religieux, se trahissant en singeant Mick Jagger dans ses sermons. C'est un personnage complexe façonné par une enfance unique qui méritait amplement un documentaire et qui en saisi l'occasion pour tirer un trait sur une partie sombre de sa vie en faisant un pied de nez à ceux qui l'ont fait souffrir. Bravo.
Marjoe est donc un documentaire essentiel tant pour le système qu'il dénonce que pour l'être humain fascinant qu'il nous fait découvrir. Si l'enchainement des sermons peu s'avérer un poil rébarbatif, l'ensemble reste tout à fait fascinant et son visionnage est d'autant plus indispensable que ces églises - qui sont bien loin de prêcher la tolérance - ne cessent de gagner du terrain, principalement dans les zones les plus démunies de notre monde notamment grâce au concept aberrant de télévangélisme, les pentecôtistes qui étaient 74 millions au moment où a été tourné ce documentaire sont désormais plus de 500 millions selon Wikipédia...