Le film débute sur une scène assez tendre et juste où un mari (Charlie) et sa femme (Nicole) présentent les qualités qu'ils aiment chez l'autre et pourquoi il leur est indispensable. Juste parce qu'on s'attarde peu sur de grandes idées générales mais bien sur des petits faits du quotidien qui présentent l'autre comme une partie manquante de soi, qui va venir combler les manques respectifs de chacun des personnages. La manière qu'a le réalisateur de briser cette scène est également très maligne : en fait, si on entend tous ces compliments, c'est que ce couple ne s'aime plus, ils veulent se séparer et leur psy leur a demandé d'écrire ce texte l'un pour l'autre. Le personnage de Scarlett Johansson refusera de lire son texte (qu'on l'a entendu lire en introduction), elle refusera d'entendre celui du personnage d'Adam Driver (que l'on a entendu également). De ce refus de l'écoute, toute l'intrigue dramatique peut découler, ce qui est montré par la fin du film où Adam Driver a l'occasion de lire le texte écrit par sa femme et se met à pleurer : l'écoute aurait été une solution. On comprend donc dès le refus de Scarlett Johansson que leur destin est scellé et il ne fait que s'envenimer à chaque décision prise par Nicole : elle part en emmenant le fils à Los Angeles ce qui rend extrêmement difficile pour Charlie d'avoir la garde partagée de l'enfant et en même temps de continuer son travail, elle engage une avocate alors qu'ils avaient convenu qu'ils se débrouilleraient sans. De cette manière, le mari, dont on entend qu'il a beaucoup à se reprocher dans cette affaire, ayant notamment trompé sa femme, passant beaucoup trop de temps à son travail et dirigeant la vie de sa famille malgré les envies de changer d'air du personnage de Scarlett Johansson, devient tout à fait sympathique et presque sans défaut, car passée les trois premiers quarts d'heure disons, il occupe une immense majorité du temps d'écran, et pas d'une façon anodine : il galère. Il galère à faire des allers-retours entre New York pour le travail et Los Angeles où il doit passer du temps avec son fils, trouver un avocat, puis trouver un autre avocat parce que sa femme a déjà consulté cet avocat, et trouver une maison pour avoir plus de poids lors du procès, qui n'aura peut-être pas lieu, mais qui aura sûrement lieu. Et passé ces trois premiers quarts d'heure, on apprend chaque décision de son ex femme indirectement, comme si elle faisait tout dans son dos pour lui nuire, lui qui est montré comme ayant une foi incontestable en elle. Il est donc, pendant plus d'une heure et demie, une victime. Créer de l'empathie avec Nicole devient impossible. Mais le réalisateur voudrait que nous ayons de l'empathie, si possible à en pleurer. Donc ses acteurs, qui semblent absolument brillants pour certains, il les fait surjouer à outrance : quand on se dispute, on finit par crier et par frapper les murs ; quand on s'insulte, on finit par se souhaiter la mort ; quand on est une avocate maniérée, on est une parodie d'un personnage d'avocate maniérée ; quand on est triste, on pleure systématiquement et quand on pleure vraiment, ce n'est pas une larme mais un torrent de cris et de sanglots qui abreuvent les joues de nos personnages. Comme cette dernière phrase, le film est trop souvent lourd. Il a de bonnes idées et de bonnes séquences, il montre l'ancien amant comme un adversaire, et comment la stratégie s'installe dans une relation qui autrefois s'est construite d'elle-même par amour et la désillusion que cette réalisation engendre (depuis les yeux d'Adam Driver), ses moments de tendresse aussi entre ses deux personnes qui s'aimaient sont particulièrement touchants, mais son problème principal est sa lourdeur, son envie de tirer les larmes du spectateur au forceps, mais les personnages pleurent tellement qu'il ne nous en reste plus, et les fondus trop fréquents qui tentent de souligner la puissance d'une scène qui vient de s'achever et la détresse de ses personnages quand ils n'en font que baisser la tension en atténuant toujours les transitions, si bien que le film coule sans difficultés alors qu'il devrait être dur à regarder.