Marty est un boucher du Bronx d'origine italienne et un célibataire endurci de 34 ans qui vit encore avec sa mère dans la grande maison familiale. Il fut un temps où elle grouillait de monde et de vie. Mais depuis quelques années maintenant elle se vide à mesure que les nombreux membres de la fratrie se marient si bien qu'aujourd'hui il ne reste plus que l'aîné et la mère pour l'habiter. La vie de Marty se résume malheureusement à ça. Au simple aller-retour maison boucherie et son quotidien à l'épaisseur des tranches de bœuf et au nombre de steak-hachés pour accompagner les haricots verts. Les samedis soirs, quand l'humeur est à l'aventure, il sort avec son meilleur pote, un type du même genre que lui, célibataire devant l'éternel mais pas par choix, dans les boîtes de nuits de la Grosse Pomme. Et à chaque fois c'est la même chose, les braves gars errent comme deux âmes en peine au milieu des danseurs alcoolisés pareils à des ombres. Personne ne les voit, personne ne les remarque. Si seulement "personne" pouvait être une grande et pulpeuse brune méditerranéenne... Bien qu'il fasse montre d'un minimum d'audace et de persévérance, cela fait néanmoins bien longtemps que Marty s'est résigné à son sort de célibataire. Ce soir-là sa mère a pourtant eu une bonne intuition de le pousser à sortir : sa déclinaison féminine est en effet empêtrée dans la même situation que lui et désespère de trouver un jour un homme avec qui partager sa vie. Le coup de foudre n'est pas instantané mais le cœur y est. Et voilà que la perspective de voir Marty marié ennuie ses amis et sa famille : adieu le compagnon de râteaux, l'ami toujours présent en cas de problème, l'oreille attentive et le gentil fils à maman. Hormis la mauvaise foi de ses proches, plus rien ne s'oppose à son bonheur, sinon la peur maladive de se lancer et de ne pas être à la hauteur.
A l'origine Marty était simplement un épisode du célèbre show de Fred Coe "The Philco Television Playhouse" dans lequel s'illustrèrent de jeunes réalisateurs talentueux qui allaient plus tard conquérir le grand écran comme Delbert Mann (qui réalisa l'épisode Marty ainsi que son adapatation pour le cinéma), Arthur Penn (que je ne ferai pas l'offense de présenter) ou encore Robert Mulligan (réalisateur entre autre du cultissime To Kill a Mockingbird) et auquel participèrent les plus grands acteurs d'Hollywood de l'époque (Grace Kelly, Melvyn Douglas, Walter Matthau, Steve McQueen, Paul Muni, Eva Marie Saint, Eli Wallach ou encore la future madame "Newman" Joanne Woodward). C'était alors Rod Steiger qui tenait le rôle qui consacra Ernest Borgnine aux Oscars de 1956. Le rôle de Clara, qui devait au départ être repris par Nancy Marchand (l'interprète original), échu finalement à Betsy Blair après maintes tractations de son mari Gene Kelly pour la retirer de la liste noire des sympathisants marxistes et communistes.
Le film, avouons-le, est bien en deçà de son impressionnant palmarès (une palme d'or et quatre oscars dont celui du meilleur film la même année, exploit inédit depuis The Lost Weekend de Wilder), et on s'y ennuie assez souvent devant la banalité du propos. Ce qui devait ressembler à l'époque à une incursion du cinéma américain dans le drame social voire un prémisse de néo-réalisme fait aujourd'hui figure d'une simple bluette déjà vu. Il n'empêche, le film aborde un sujet autrement plus complexe que le célibat à durée indéterminée : celui de l'influence néfaste que peuvent avoir la famille et les amis quand on vient ébranler leur certitude et bousculer la monotonie de leur quotidien. Ce qu'on aime du film, on le doit à Borgnine, évidemment.