Au delà de l'anecdote (l'existence supposée d'exemplaires du numéro 14 de Marvel, jamais publié), ce documentaire fait le point sur le problème de la loi de juillet 49 sur la publication d’œuvres pour la jeunesse, qui ne devaient pas la "démoraliser", c'est à dire saper ses valeurs morales. Il s'agissait pour les parlementaires, et certains groupes de pression de l'époque, catholiques et communistes main dans la main, curieusement, de protéger les enfants de l'influence pernicieuse de l'étranger, dans ce cas les États-Unis. On peut voir comme ça a bien marché... Justement, à présent que nous sommes superaméricanisés dans tous les domaines de notre vie, il est entendu que la censure, c'est l'Antéchrist à l'action. Les Russes, les Chinois et les Iraniens la pratiques, c'est dire si c'est pas bien. Seulement voilà, quand on dépasse un peu l'évidence et qu'on se rappelle les documentaires d'Arte sur la colonisation culturelle américaine de l'Europe, et en particulier de la France, à partir de 47 et du fameux Plan Marshall, tout n'est plus aussi simple. Il s'agissait pour la CIA d'inonder l'Europe de produits culturels américains, chewing-gums et rock'n'roll, pour s'assurer une adhésion durable à ses valeurs et des débouchés infinis pour sa production industrielle. Là, on rigole déjà moins, et on comprend un peu mieux la levée de boucliers de gens qui ne se sentaient pas au diapason avec les valeurs américaines. En résumé, d'un côté une colonisation culturelle intéressée et de l'autre une censure parfois bête et méchante, le plus souvent hypocrite et machiste. Ça reste un affrontement franchement binaire dans lequel impérialisme et entraves à la liberté d'expression ont été brandis comme des armes de libération de l'homme, aussi absurde que cela puisse paraître. Bref, un constat accablant qui ne fait qu'éclairer un peu plus les luttes idéologiques sans débouchés qui tiraillent le monde aujourd'hui encore.