Comment dire ? Comment raconter cette histoire que l'on sent à la fois malsaine, crue et pourtant un peu niaise ?

Mary et Max possède cette ambition de vouloir traiter de sujets d'une sensibilité incommensurable dans un film d'animation aux traits caricaturaux, dans le genre qui plait bien aux petits bouts de chou (Wallace et Grommit en tête, suivi par Chicken Run). L'autisme, l'obésité, la discrimination, la mort, l'alcoolisme, la pauvreté, le rejet des parents et j'en passe... La prouesse est donc de taille : faire coexister autant de thèmes quasi-tabous dans une production à l'apparence graphique aussi aguicheuse et légère. Se pose alors la question de savoir si plusieurs niveaux de lecture sont possibles, afin de juger si l'enfant peut regarder sans risque ce dessin animé d'un genre particulier.

La réponse est compliquée, mais il me semble que le tour de force de Mary et Max réside justement là dedans. Il alterne systématiquement les phases enjouées et les phases dramatiques. A chaque alternance, un événement, une phrase, une action précise nous indique que l'on sombre dans le traitement d'un thème profond. A mon sens ces indices ne peuvent être discernés par un public trop jeune, qui n'aura ni la culture ni la sensibilité nécessaires pour percevoir ces balises. Toujours est-il que par prudence, Mary and Max ne serait pas le premier film que je recommanderais à la jeune audience.

Maintenant que l'on est entre adultes, je vais pouvoir vous parler de la façon dont, dans la tripotée de thèmes traitées, je me suis identifié aux protagonistes. Tantôt à Mary, tantôt à Max, qui entretiennent cette relation épistolaire presque trop heureuse, qui apprennent à vivre grâce à elle. Le binôme, officiellement, s'entraide pour parvenir à se sociabiliser et à apprendre, mais l'essence même de leur relation est un accomplissement en soi. Les mots qu'ils échangent ne représentent que peu de choses au final pour eux, ils sont destinés au spectateur. Ils leur délivrent les méandres de la maladie, les travers du fatalisme.

C'est pour cette raison que Mary et Max fait mal, horriblement mal. La douleur est au détour de chaque lettre reçue, chaque lettre lue. Quand la voix off laisse la place aux rares doublages des personnages, on sent qu'il s'agit de moments précieux, qu'il faut écouter avec précaution. On ne s'attend cependant pas à ce que le malheur, la douleur et la peine soient dépeints avec une telle légèreté, une telle franchise innocente, presque troublante. De penser que les écrits de Max seront lus par une fillette dans la fleur de l'âge, on aurait presque envie la de l'exhorter à ne pas poster sa lettre lorsqu'on le voit s'approcher de la boîte aux lettres la première fois, sous peine de gâcher l'innocence d'une enfance.

Que nenni, l'interlocuteur est une fille de huit ans, qui parait déjà blasée par la vie, qui a pris ses habitudes quotidiennes de soixantenaire devant sa télé, mais qui n'en reste pas moins curieuse. Elle va profiter de la non-langue de bois de son correspondant pour se renseigner sur le sens de la vie, l'amour... Ainsi, à travers cette relation complice on voit Mary grandir et Max souffrir plus que de raison. Pourquoi alors aimer un film aussi dur, aussi cruel avec nous ? Peut-être parce que la souffrance n'est pas quelque chose qu'il faut chercher à fuir en permanence. Parce qu'il nous rend profondément triste avec de belles images ingénues. Et qu'en contrepartie, il arrive à nous décrocher quelques sourires de bonheur sincère. Après tout, elle est merveilleuse cette histoire.
DocElincia
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le 20 févr. 2012

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DocElincia

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