Master and Commander - De l'autre côté du monde par Zogarok

Master and Commander est notable pour ses efforts de vraisemblance (peu ou pas trahis par le recours aux effets spéciaux raffinés d'ILM et Weta Workshop) quant aux conditions d'existence à bord d'un navire anglais au début du XIXe. Pour cet énième voyage dans le passé, Russel Crowe n'est pas mis dans une posture romantique (le climax dans le registre étant Gladiator). Il interprète le capitaine du HMS Surprise, menant ses hommes et sa frégate à la poursuite d'un vaisseau français (Acheron). Inspiré des livres de la série Les Aubreyades de Patrick O'Brian (et notamment The Far Side of the World), le film commet là une infidélité en remplaçant la guerre anglo-américaine de 1812 par un épisode des conflits napoléoniens.


Il était manifestement préférable de déplacer l'ennemi (les français au lieu des États-Unis) pour des raisons commerciales ; c'est d'ailleurs ce genre de préoccupations qui semble drastiquement tempérer les ardeurs de Master and Commander. Le film frappe en effet par son réalisme (le bateau est une réplique authentique d'un trois-mats de la Royal Navy britannique), par son brio à s'ingérer dans les affaires ou les moments les plus triviaux ou songeurs de Jack Aubrey et son équipage ; pourtant malgré les dangers, la dureté du contexte, les péripéties sont loin d'être sauvages ou dantesques. Master and Commander rejette les fanfares les plus obscènes du film d'aventures hollywoodien, mais ce n'est pas La Chair et le sang de Verhoeven ; c'est plutôt une expédition virile et pudique, déployant son arsenal avec sobriété et élégance.


Les ambitions épiques en paient doublement le prix, tout en étant satisfaites d'une manière plus subtile, jouant davantage sur le sentiment d'entrer dans l'intimité d'une légende. Master and Commander déroule un combat gagné d'avance en dépit des faits indiqués, des obstacles routiniers et des doutes à bord. Les acteurs de l'Histoire (pour elle la rigueur est plus relative) font leur job, se tourmentent et ambitionnent ; la mise en scène indique que l'heure est déjà la contemplation. Peter Weir ne révèle pas directement ses instincts mystiques comme dans La dernière vague (ou, plus nuancés, dans État second) mais communique cette espèce de confiance surnaturelle, de béatitude typique chez lui – dévorée par les marques d'emphase Disneyenne dans le régressif Cercle des poètes disparus.


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Zogarok

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