C'est une histoire belle et émouvante que nous raconte Maura Delpero. Issue du documentaire, la réalisatrice a voulu explorer les émotions contrastées de la maternité, de la foi, du désir ou encore de la responsabilité. La vocation de Paola va être bousculer entre deux amours, celui de Dieu et celui de son prochain dans une voie intense et troublante.
Dès le départ, Delpero évite tout jugement et parti-pris. Elle filme le quotidien du foyer tel un microcosme : on déambule suivant les points de vue de chacun, enfants, mères et religieuses. C'est une immersion qui nous permet de mieux épouser la complexité des sentiments humains partagés. Cela pose également une atmosphère troublante, ne sachant si le foyer ressemble plus à un refuge ou une prison allégée. Delpero ne sombre jamais dans l'anticléricalisme, mais questionne le caractère pertinent de l'encadrement proposé pour ses adolescentes et leurs enfants.
"Maternal" est un film qui bouleverse par sa manière simple et soignée de cadrer ses protagonistes. Delporo fait preuve d'une grande délicatesse en choisissant de se concentrer sur les gestes, les regards ou encore les moments intimes partagés entre Paola et la petite Nina. Au fur et à mesure, le film s'éloigne de son approche documentaire pour retranscrire avec grâce le poignant questionnement de Paola : quel type d'amour puis-je offrir avec ma profession de foi ? Jusqu'où puis-je me rapprocher de mes semblables sans renier mon choix de vie ? Qui suis-je pour juger alors que je ne suis pas mère ?
A l'inverse, a-t-on le droit d'aimer même si on le fait mal ? Qu'est-ce qui nous légitime à être mère ? L'acte de naissance ? L'éducation ? La bienveillance ? Des pensées qui s'entrechoquent sans toutefois amoindrir la portée émotionnelle du récit. Beaucoup de séquences bouleversent à mesure que le cœur et la raison ne cessent de se contredire. Chacun pense qu'il agit avec justesse, pour le bien de l'autre mais nous avons le terrible pressentiment que chaque acte, chaque décision est une déchirure. Paola fait plus que de la dévotion, elle fait le don de soi et finalement, accompli le geste ultime : ce n'est l'amour de Dieu qui l'embellit, mais bien l'amour de son prochain. Au lieu de regarder vers les cieux, elle regarde en face la détresse et la quête désespéré d'amour d'individus noyés dans leur solitude.
"Maternal" est un film d'une grande force qui noue à la gorge. La réalisatrice ne condamne jamais et tente de comprendre ce qui pousse chacun à entreprendre le chemin choisit. D'une rare finesse dans son écriture et dans le regard posé, le film est un drame social sur la destinée humaine, avec ses joies, ses peines et ses doutes, tout en refusant de conclure que tout est écrit d'avance. Malgré son plan final poignant et tétanisant, "Maternal" prône le droit à la vie et et à son combat permanent de tous les jours.