Après le succès tonitruant du premier volet, les Wachowski ont eu le champ libre, la pleine liberté d'explorer et d'étendre les bases de leur philosophie pour ne pas dire leur idéologie dans un second volet tout à la gloire de l'homme providentiel opposé à la matrice.
Reloaded est malheureusement boursouflé de scènes d'actions et de combats interminables qui retardent nos attentes d'en savoir un peu plus sur la matrice. Cette boursouflure de mouvements inutiles est heureusement entrecoupée d'échanges avec les personnages qui en savent plus que le spectateur : l'oracle, le mérovingien, Perséphone, le maître des clefs et l'architecte.
Le mérovingien nous assène son discours alambiqué sur la cause et l'effet justifiant dans un même temps toutes les révoltes et toutes les oppressions. Son amour pour les jurons français et son usage viendrait à démentir qu'il est lui affranchi du système de causalité qu'il décrypte, affranchissement rattrapé et désavoué par la désobéissante vengeance de Perséphone.
Mais c'est la confrontation entre Néo et l'architecte qui est le plus intéressant dans Reloaded, le plus pertinent à notre avidité encore inassouvie d'en connaître davantage sur la matrice. Lors de la séquence ultime dans ce décor aux murs tapissés de mille téléviseurs diffusant l'image de Néo, on apprend que la matrice a déjà été réinitialisée six fois pour se débarrasser de l'anomalie qui y avait pris corps et que cette fois encore elle viendrait à bout de cet élu de pacotille.
L'esthétique de Sion est également très décevante mais symptomatique des Wachowski. La cohorte de va-nu-pieds qui la peuple, mélange de hippies et de rastas, s'adonne à des bacchanales et participe à des réunions soumises à des orateurs incontestés. Vision tribale relevant de la secte dont l'organisation et le socle des fondamentaux humains n'ont rien à envier à l'illusion élaborée par les machines de la matrice. Réalité ou matrice, même enfermement de l'âme et de l'esprit. Les habitants de Sion ont eux aussi besoin de la technologie pour survivre jusqu'à ce que son évolution ne débouche sur une nouvelle prison.
Pour conclure, un film qui nous offre quelques clefs, mais si faiblement ; peut-être n'y a-t-il plus grand chose à dire et on remplit le vide par de l'agitation stérile, la scène de l'autoroute étant d'un ennui mortel, là où les scènes d'action servaient le propos, la découverte et l'histoire dans le Matrix originel.
Samuel d'Halescourt