" J’aurais vécu une vie de larve si vous ne m’aviez pas réveillé"

Attention, spoil en partie.Maurice raconte avec beaucoup de sensibilité et de justesse l’histoire de deux jeunes hommes homosexuels à l’époque de l’Angleterre edouardienne. L’homosexualité était alors considérée comme un crime passible du fouet et de la prison. Et autant dire que pour des aristocrates c’était une honte sociale qui vous mettait au ban de la bonne société…

Ces deux jeunes hommes sont le beau blond Maurice et le beau brun Clive. Tous deux ont intégré les normes de la société dans laquelle ils vivent. Comment vivre la découverte de son homosexualité quand on n’a personne à qui en parler, qu’on risque d’être rejeté et au pire qu’on risque la prison ? Cette peur de se dévoiler devant l’autre dans l’espoir de trouver quelqu’un de semblable à soi est très bien mise en scène. Une peur qui s’ancre dans le risque encouru, car l’autre peut dénoncer ou même tendre un piège… On imagine l’angoisse que pouvaient vivre quotidiennement les personnes homosexuelles torturées intérieurement par la culpabilité, la crainte d’être anormales, mauvaises, malades et habitées par la peur d’être découvertes. Autant de sentiments et de situations que le film met en scène à travers ces deux personnages et à travers les réactions de leur entourage.

Quand Maurice et Clive se révèlent l’un à l’autre, c’est le temps de l’émerveillement, le sentiment de s'ouvrir intérieurement :

• Savez vous bien que j’aurais vécu une vie de larve si vous ne m’aviez pas réveillé ?
• Pourquoi moi ? Peut-être nous sommes nous éveillés l’un l’autre.

Ici, pas de belle au bois dormant mais deux beaux aux bois dormant qui se sont mutuellement apporté le don de l’amour et de l’éveil à la vie. Leur visage s’épanouit, leur bonheur est visible ! Pourtant cela ne dure pas longtemps, il faut se cacher, il faut naviguer entre les pressions sociales qui poussent au mariage, il faut affronter les paroles doubles des domestiques qui ne sont pas dupes. Face à cette pression, tous deux ne vont pas réagir de la même manière. Maurice, après bien des tourments assumera totalement et avec bonheur ce qu’il est ; Clive y renoncera et se convaincra qu’il est possible de trouver le bonheur auprès d’une femme. Il se moulera dans l’attente de la société et réprimera ce qu’il est, jouant un personnage à défaut d’être lui-même… Difficile de lui jeter la pierre…

Mais Maurice ira encore plus loin dans la transgression sociale, brisant même les barrières des classes, ce qui est le comble de la folie pour le milieu aristocrate. Au delà du sujet de l’homosexualité, ce qui nous est raconté, c’est une histoire de liberté intérieure face aux attentes et aux normes de la société. Une liberté qui se paie cher, à coup de transgressions intérieures puis extérieures. Et à ce titre, c’est une histoire qui peut rejoindre chacun de nous. Histoire qui s’inspire d’un roman de Edward Morgan Forster, lui-même homosexuel et qui était le plus autobiographique de ses écrits. Histoire magnifiquement interprétée par les acteurs: des rôles principaux aux rôles secondaires.