Les queens de chez Maurice
Un onirisme queer fabuleusement extravagant qui restitue avec beaucoup de délicatesse le Paris anarchiste et d'avant garde des années 30. L'animation cubiste est parfaitement en adéquation avec...
le 2 mars 2024
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Le rapport au corps et au désirs dans le cinéma d'animation a toujours été une thématique qui m'a intéressé et interpellé car si on a créé tout une grammaire dans le cinéma en prise de vue réelle pour représenter la romance et la sensualité, cette grammaire devient presque inefficace dans un médium aussi libre que celui de l'animation. Il n'y a qu'à voir dans les films les plus bancales à quel point l'expression d'une sexualité et d'une forme de désir peut très vite tourner à la blague lorsque l'on se repose de trop sur des codes de mises en scènes venant de la prise de vue réelle. Il est alors remarquable de trouver des réalisateurs et réalisatrices sensibles à ce genre de questionnement s'essayer à l'exercice et proposer des œuvres singulières, encore plus lorsque c'est pour parler du désir queer (par exemple Christopher at Sea). Pour le cas de Maurice's Bar, je n'avais jamais vraiment prêté attention au film car perdu dans une compétition officielle du Festival d'Annecy extrêmement ample, et même si le film y avait gagné le prix Connexion, j'ai surtout découvert ce film par hasard lors d'une projection d'un programme mettant à l'honneur la saison des films soutenu par le programme Arte qui s'est tenu à la Cinémathèque française.
Le film se démarque par le style graphique de Tzor Edery, artiste complet que ce soit dans le graphisme ou le tatouage, qui donne une épaisseur ainsi qu'une atmosphère unique et envoutante. Le spectateur rentre dans le récit à travers presque des tatouages mouvants, et c'est en voyageant comme de peau en peau que l'on est amené à comprendre un rapport au corps et une recherche d'épanouissement par le contact charnelle qui était celui des clients du bar de Maurice. Le duo d'artiste nous plonge dans Paris dans les années 40, au temps du second bar queer clandestin, et l'on y comprend très vite la dimension hors normes que pouvait avoir le lieu lorsque l'on apprend à connaitre ses habituées et son propriétaire juif algérien. On voyage de table en table, d'anecdotes en anecdotes, de représentations en représentations, et on est très vite fasciné par l'ensemble. Le tout est très agréable et envoutant tant les dialogues sont très bien écrits, assez bien rythmés, le tout avec une belle interprétations de comédiens qu'on devine amateurs à l'exercice du doublage mais qui se débrouillent très bien.
Le soucis étant que le film est parfois un peu lourd au visionnage, à vouloir donner parfois trop de poids à son récit et à son image. L'animation, déjà pas très fluide, est alourdi par des choix de plan qui prennent beaucoup trop de temps. Le rythme des dialogues s'en retrouve impacté et donne l'air d'attendre le début et la fin de certains mouvements de caméra pour soit lancer un dialogue ou le terminer. On le voit surtout lorsque le film tente de plans plus organiques lorsque l'on suit une sorte de renard qui va slalome entre les tables, ou lorsque la caméra va pour voler au dessus du bar pour passer de clients qui parlent des policiers à une partie de poker qui finit mal. On voit très vite que soit l'animation est beaucoup trop coûteuse en ressource pour être aussi fluide que certains échanges de regards, et le film perd en charme car peu être pas assez efficace par rapport à ce qu'il veut montrer.
Maurice's Bar est beau, sensuel, venimeux, envoutant. Si la forme ne permet pas de pleinement profiter, elle enlève en rien le talent indéniable des deux artistes derrières ce projet, ainsi que le charme hypnotisant du récit, plein d'amour et de sensualité au milieu d'une grande noirceur.
14,75/20
N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.
Créée
le 20 oct. 2024
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