On vit actuellement une période où l'animation s'est démocratisé à un point où tout le monde (ou presque) peut s'essayer à l'animation. Que ce soit Alexandre Astier avec ses deux films Astérix (co réalisé avec Louis Clichy), Jean Pascale Zadi qui prépare Summer in the hood, Jean Paul Gaultier qui prépare lui aussi un film d'animation avec l'aide du studio nWave qui ont réalisé Les Inséparables, ou même Michel Hazanavicius (qui a réussit à offrir une place à l'animation en compétition officielle cannoise après en 16 ans) avec La plus précieuse des marchandises... tous ou presque se lancent sur le marché de l'animation à priori juteux. Les réalisateurs se réapproprient ce nouveau mode d'expression, s'expriment sans trop de retenu, et c'est dans ces moments là qu'on peut légitimement redouter le jour où un réalisateur fasse un faux pas. Une chose est sûr, Michel Gondry était attendu lorsqu'il a annoncer vouloir s'essayer à l'exercice, et j'avais personnellement une crainte du résultat. N'ayant pas encore eu la chance (ou même l'envi) de rattraper Eternal Sunshine of the Spotless Mind (film placé comme un monument indéboulonnable du cinéma) ni même aucun film de sa filmographie, j'avais un apriori vis-à-vis du "personnage" Michel Gondry qu'on entrevoir lors d'interview de Pierre Niney, ou même lors d'interview de Michel Gondry lui-même. Pourtant le mieux reste de découvrir l'artiste à travers ces films et Maya donne moi un titre me semblait être une excellente porte d'entrée.
D'entré, le film intrigue et sait capter l'attention via son dispositif vraiment pas banal au premier abord. Dans un quasi documentaire, le réalisateur nous présente de manière très efficace le concept de son film, qui se veut comme une hybridation entre un film d'animation et un film témoin d'une relation à distance, quasiment dans une démarche documentaire. Le réalisateur devant voyager pour ses différents tournages, le film veut nous faire croire (on y reviendra plus tard) qu'il a noué avec sa fille une relation à distance où cette dernière lui envoyait des titres de films que son père illustrait image par image. Il y a ainsi un charme du documentaire, se rapprochant presque du cinéma du réel, où l'on voit des enregistrements amateurs de l'artiste fabriquant le film que l'on est en train de regarder, et où le film n'est plus simplement une histoire, mais est un véritable témoignage amené à évoluer au fil du temps. On peut le voir à travers le format et la technique qui évolue de film en film, allant du rudimentaire à quelque chose de beaucoup plus professionnel, qui traduit en parti de l'affection que porte le réalisateur vis-à-vis de sa fille. On sent l'investissement émotionnel du réalisateur en son film au fur et à mesure que ce dernier prend des risques techniques, que l'on quitte l'animation stop motion filmé au smartphone pour peu à peu investir dans une caméra et un dispositif exprès pour sa fille. La candeur apparente du dispositif et de la narration alimente ainsi la douceur et la sensibilité qui peut se dégager du récit, et j'étais personnellement prêt à suivre cela sans trop de déplaisir, à la manière d'un Alain Ughetto et de son Interdit aux chiens et aux italiens en plus rudimentaire et peu être la lourdeur historique en moins.
Le soucis étant que le projet à l'origine n'a surement pas été pensé pour être diffusé pour le grand public, et qu'il n'y a pas eu de travail à postériori pour que cela soit présentable à un grand public. On peut voir cela à travers les dialogues et le rythme qui est très lent, hachuré par la nécessité de montrer tout le dialogue d'une traite au lieu de créer une bulle par phrase. On revient presque au temps du cinéma muet sur certain instants, où Pierre Niney doit lire l'intégralité d'un pavé de six à sept lignes de dialogues, le tout sur un plan figé et statique qui doit attendre que Pierre Niney finisse la lecture. Le film devient très vite froid car celui-ci expose son récit et son univers sans faire l'effort d'attacher émotionnellement le spectateur à ce qu'il voit (car initialement adressé à une personne du cercle proche du réalisateur), et expose sa narration sans dentelle ou même émotions. Pierre Niney met de l'émotion et s'en sort bien (de toute façon après Toy Story 4, Vice Versa 2 et surtout Les Bad Guys, ses capacités en doublage n'étaient plus à prouver) mais il n'a pas la capacité de capter plus que cela l'émotion du spectateur car le film lui même semble ne pas vouloir chercher autre chose que l'émotion de la fille du réalisateur. Malgré des récits plutôt attachants et bon esprit, on finit par être très en dehors car avec la sensation de ne pas être le publique visé. Cela n'est pas aidé par les excentricités et les moments franchement troublants, où le réalisateur met en scène sa fille toute nu de manière gratuite car "elle est heureuse et hop elle veut se mettre toute nu". L'intimité du réalisateur avec sa fille ne parvient pas à créer une intimité communicative, qui puisse inclure un regard extérieur, sans faire ressentir un sentiment d'intrusivité malsaine.
Tout cela pourrait être excusé par la volonté assez naïve de montrer un projet personnel dont un est fier et qui peut amuser le jeune public. Cependant, et c'est là mon plus gros problème avec ce film, c'est que sous pleins d'aspects, le film n'a rien de naïf et donne presque l'impression d'exploiter son dispositif, plus qu'il ne le met en valeur. On peut voir cela à travers la mise en scène de la fille du réalisateur dans le monde réel qui demande face caméra une histoire à sa fille, beaucoup trop professionnel et mis en scène pour être réaliste, et qui donne une impression de représentation théâtrale moderne plus qu'un semblant d’interaction intimiste. Le point de vue de la fille est dicté par la mise en scène, dans une volonté embellir, de rendre cinématographique ce qui n'a pas à l'être, et on n'arrive jamais à ressentir quoi que ce soit. Entre le sous-jeu de la fille qui sous-entend qu'elle a reçu des directives pour ne pas "paraitre fausse" à la caméra, le fait qu'elle n'affiche aucune émotions à l'envoi d'idées ou même à la réceptions de courts métrages réalisés pour elle, les segments séparant les courts métrages souligne un manque cruelle d'investissement émotionnel ou même d'intention autre que de présenter ces courts métrages dans un dispositif fonctionnel. On ne recherche plus l'authenticité et raconter une histoire pouvant être vrai, mais de plaire sur 1h avec des courts métrages qui peuvent être née d'une relation épistolaire avec la fille du réalisateur, mais qui peuvent aussi être de la pure création sans vécu émotionnel. D'autre part, l'évolution de l'animation (allant d'un dispositif rudimentaire à quelque chose de plus travaillé et professionnel) vient à rapidement geler dans sa démarche, ne profitant pas de son statut d’œuvre hors système pour expérimenter et aller encore plus loin dans la stop motion. On imagine que le réalisateur est surtout occupé par son travail sur le tournage d'un film à l'autre bout du monde, et que cela l'empêche d'avoir des moyens démesurés (d'où le fait que le film commence avec son smartphone, du scotch et du papier couleur). Mais kit à acheter une caméra, un vrai dispositif professionnel pour créer des courts métrages plus soigné, pourquoi ne pas penser d'avantage le dispositif pour que celui-ci puisse grandir au fur et à mesure que l'inspiration vient au réalisateur ? Pourquoi ne pas prendre des Lego, des jouets ou même des objets quelconques pour donner du relief et créer un univers unique (un peu comme ceux de la franchise de jeux vidéos J'ai trouvé !) ? Pourquoi chacun des courts métrages ont l'air d'être voué à s'uniformiser et à compléter une œuvre qui, sur le papier, n'est pas sensé être prévu ? Est ce que ce long métrage était prévu lorsque le réalisateur a réalisé le tout premier court métrage ou est ce que c'est une pure coïncidence ? A force de vouloir tout lisser vers l’œuvre finit qu'on est amené à voir (en tant que spectateur), on ne croit plus en l'honnêteté du réalisateur qui semble enchainer les courts métrages pour donner du contenu et non plus par envi de créer (ce qui devait être initialement la raison de toutes ces demandes de titre à sa fille). Les problèmes de rythme et d'investissement émotionnel deviennent de moins en moins pardonnable car le film est confronté par la dimension publique qui, on l'imagine, a pris le dessus sur l'intention initiale.
Maya donne-moi un titre se confronte aux contraintes qu'amène la publication d'un travail réalisé dans un cadre privé, avec aucune autre envi que de faire plaisir à sa fille. Le rythme irrégulier ainsi que le manque d'empathie pour les personnages épuiseront plus qu'ils ne devraient, durant 1h10 qui paraitront une éternité, et qui pousseront les spectateurs les moins réceptifs à se demander, à tord ou à raison, si la caméra et la mise à disposition du grand public était nécessaire.
8,75/20
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