Gars & Garce

On ne peut pas plaire à tout le monde. Tu ne me plais pas. Tu ne me plais plus. Ce n'est pas en plaçant la caméra dans un endroit improbable pendant dix minutes que tu gommeras ton propos. Je n'ai rien contre tes personnages. C'est juste dommage de constater que leur présence ne résident que dans la volonté de montrer qui ils sont et non d'être qui ils sont. Tu as beau justifié ton propos en nuançant sur la fin de ton film, tu resteras dans les sentiers battus de la romance classique de ces dernières années. On souligneras la tendresse à coups de piano et la violence aux sons de sirènes de police. Tes personnages ne s'aiment pas. Ils nous montrent qu'ils s'aiment, non pas qu'il assument que la caméra et que le spectateur les regardent attentivement, mais surtout parce qu'il doivent montrer. Montrer afin de marquer le propos du film, c'est à dire, l'amour. Néanmoins, là où le film aurait pu se démarquer, on sombrera dans les choses déjà faites et la facilité d'un propos fortement illustré.

On montrera d'abord l'amour fou introduit par la rencontre, forcément tous les ados planquent des journaux pornos sous le lit. Il prépare la chambre afin de satisfaire la gente féminine afin de mieux l'empaler. Mettons les Kleenex dans un coin, mettons du parfum, cachons les capotes afin de paraître gentlemen.

Assomme-la et baise-la ! Après, il s'aiment tendrement, beaucoup, à la folie, puis enfin plus du tout. Au moins tu as eu la décence de faire cela en dix minutes non pas en vingt ans comme a pu le faire un autre de tes confrère.

A force de vouloir satisfaire le scénario, la mise en scène ne surprend plus, on attend la dispute finale dès les premiers instants. On pourrait facilement me arguer que les clichés sont souvent vrais. C'est le cas. Mais le soucis c'est que tu mets absolument l'intégralité des clichés qui nourrissent la romance. C'est mignon, mais c'est oubliable tant ces personnages ne restent que des statues portant divers costumes afin d'illustrer froidement notre époque et ton propos. Tu as retenu la leçon, les happy-end déclenchent les ardeurs des plus frustrés, il faut donc procéder à une fin ouverte ou une fin plus triste. Cette façade sera démolie par la réaction de surenchère de ton personnage XY. Vautrait sur son lit et animé par son visage n'illustrant que le vide de la voix lacté, on ne ressent rien. En tendant un peu l'oreille on pourrait presque entendre le réalisateur crier : « Tu bouges ne surtout pas! Tu regarde le plafond et tu restes fixe, c'est le plus important ! » Visuellement la nuance est fine, mais on sait très bien que ce n'est que le mirage d'un élément tourmenté, seul la figure de l'acteur reste à la surface noyant ainsi le personnage dans les abysses.

Je m'égare, je suis désolé. J'espère que tu me pardonneras. Je ne t'en veux pas plus que ça. Excuse-moi pour ce que j'ai dit un peu plus haut, j'étais encore sur le dos de mon cheval, le menton levé dédaignant ta présence. Tu as eu de bonnes idées tout de même. Ton cadrage et ton concept reste léchés, tu as pris soin de soigner chaque détails de la pièce, les lumières et l'ambiance sonores sont parfaites ! Ne t'en vas pas tout de suite. Je veux pas que cela se termine ainsi. Tu as un sens de l'esthétisme certain ! Mais je t'en veux, tu parles du couple mais tu n'as pas fait attention à tes acteurs, à ce qu'il font. Tu sais très bien que les ados n'ont pas un plafond de dix mètres de haut, tu sais que c'est justement une ambiance moins aérienne qui règne dans leur chambre. Pourquoi as-tu voulu les faire voler alors que planer sur quelques mètres peut les rendre tout aussi crédibles ? Tes personnages n'ont pas conscience d'être dans une chambre ils agissent comme sur un plateau de théâtre ou dans un studio. C'est ce que tu as voulu faire me dis-tu ? Mais alors à quoi bon, essayes-tu de faire croire au spectateur que tout cela est vrai ? Je ne te comprends plus.

Les jeunes fument, et ne parlent que pour s'engueuler ? Les jeunes vivent dans une porcherie ? C'est ça que tu voulais nous montrer ? Tu me dis que c'est pas grave puisqu'ils s'aiment ! Mais alors pourquoi as-tu tant souligner l'environnement ? Rien ne surgit dans cette mélasse, on ne voit rien d'autres que deux êtres vivant et non en train de vivre dans ce bordel. Deux psychopathes en trains de déambuler sans grande conviction. Comme ton décor tu aborderas leur histoire avec une grande éloquence qui nous éloigne peu à peu de toute vraisemblance ou toute crédibilité. Nan je ne dis pas que tu te dois d'être réaliste, je m'en fiche, j'aimerais juste te croire ne serait-ce qu'un instant. Tu me déçois tu ne fais qu'assouvir les attentes des spectateurs qui veulent voir une histoire d'amour progresser. Tu nous montre l'histoire d'amour comme une série d'étapes qui s'enchainent les unes après les autres sans aucune connexion, sans aucunes conséquences. Avec un cadrage si fort et un environnement fait au pinceau, tu saccages tout avec ta musique qui ne fait que bourrer le semblant d'atmosphère et le semblant de jeu d'acteur que tu avais commencer à mettre en place !

Je m'égare encore une fois dans mes mots et mes émotions, je m'excuse encore. Ne pleure pas, reste encore un peu, regarde ici c'est la photo de notre rencontre, tu te rappelles ? Non tu ne te rappelle plus ? C'est dommage. Tu avais pourtant mis les photos au dessus du lit, nous étions là au bord de la mer nous nous fichions de ces vieux couples en train de se tirer la tronche. Je me rappelle même qu'un petit vieux faisait semblant de lire pour pouvoir regarder le déhanché d'une jeune fille à quelques mètre. Le bougre prêtait attention à ne pas se faire prendre par sa femme. Tu me déçois encore, peut-être que c'est juste pour combler le vide de notre existence que tu avais fait cette photo finalement…
Au final tu plairas à d'autres personnes, ce n'est pas bien grave, on restera quand même ami.

Je te quitte.