En sortant de la salle je ne savais que trop penser du film que je trouvais un peu bancal sans pour autant m’en expliquer les raisons. En y réfléchissant, le recul aidant, cette première impression se confirme. La forme et le ton général y contribuent largement. Le drame s’amorce autour de Jean-Pierre, médecin de campagne altruiste et très investi, nous le présentant dans son quotidien à la limite du parcours de santé ou de sainteté c’est selon. Jusque là du bien conventionnel, sans pathos, et intellectuellement (quand même) un degré au-dessus du “Docteur Sylvestre” pour ceux qui se souviendraient de cette série.
A l’arrivée de Nathalie, tout se bouleverse, l'histoire et le sens même du film. Bizutage en règle entre le “vieux routard” et la citadine, jeux de séduction, immersion dans la profession (entre les visites à domicile et le cabinet) mais aussi au niveau du tissu local (nous sommes dans le rural donc fête au village, conseils municipaux tendus, cancans..). Lilti donne l’impression d’ouvrir plusieurs pistes scénaristiques, sans jamais en privilégier une. On saute de l’une à l’autre avec plus ou moins d'intérêt, souvent moins d’ailleurs. Ce n’est pas le plus perturbant. Car si les relations humaines sont plutôt bien vues, avec quelques bons mots et moments, je me suis vraiment demandé si le Jean-Pierre en question n’était pas un surhomme. L’approche curative de sa pathologie, est pour le moins fantasque, pas d’effets secondaires au traitement, une forme physique et un dynamisme égaux du début à la fin, c’est à peine s’il ose s’offrir le luxe, de temps à autre, d’un petit coup de blues… Ce n’est pas “Docteur Françoise Gailland”, mais ce n’est pas loin, notamment sur la fin.
A me lire on pourrait penser que je suis à la recherche le drame réaliste pur et dur, il n’en est rien, mais je déteste être préservé en matière d’émotion. Et cette concentration de nobles, louables et beaux sentiments, anesthésie l’empathie et se transforme en contre indication à l’objectif du départ de réaliser un film original et proche du concret d’un médecin de campagne, péri-urbaine d’ailleurs, car certaines problématiques évoquées relèvent plus d’un contexte de ville.
Mais bon tout n’est pas si noir, bien au contraire, car la vraie richesse de ce film repose principalement sur les épaules de l’impérial François Cluzet très en forme, mais aussi de Marianne Denicourt, dont la justesse repose autant sur l’éclat de son sourire que de son talent. Ils sont aussi parfaitement entourés par une pléiade de seconds rôles tous très attachants.
Thomas Lilti ne renouvelle pas l’exploit de son “Hyppocrate” autrement plus incisif, maîtrisé et crédible, et donne à son “Médecin de campagne” un goût d’inachevé, une sorte de générique de ce qu’il aurait été capable de faire.