Alors que les jeunes fans du Seigneur des Anneaux et d'Harry Potter vieillissent et apprennent à se servir d'une caméra, on assiste à l'émergence d'une nouvelle génération de cinéastes complètement décomplexés avec le fantastique, dont Ari Aster (Midsommar) et Robert Eggers (The Witch) représentent aujourd'hui les chefs de file. Il était temps ! Car leurs films, modernes et singuliers sont autant de tirs de mortier contre les séries B ringardes et surproduites ou le cinéma d'auteur à la papa, de plus en plus à l'étroit dans son naturalisme figé et ses drames sociaux essoufflés. On ne le répétera jamais assez, une autre voie est possible : celle du sang, du souffre et des tripes !
Même si elle pioche bien plus dans le cinéma des années 70/80 que dans la Terre du Milieu ou chez ses grands-frères anglo-saxons suscités, la brésilienne Anita Rocha da Silveira fait pourtant bien partie de cette nouvelle génération de cinéastes et convoque sorcellerie, légendes urbaines et néons dans un thriller social et fantastique : Medusa. On y suit les aventures d'une bande de jeunes bigotes qui hantent les nuits brésiliennes pour tabasser féministes et autres mécréantes. Particulièrement fanatique dans sa quête d'illumination, la jeune Mariana se lance sur la piste d'une sainte au visage brûlée...
Comme on peut s'y attendre en contemplant l'affiche, les grands maîtres du genre, John Carpenter et Dario Argento ne sont jamais loin et hantent de nombreux plans de ce conte macabre et hypnotique. Heureusement Anita Rocha da Silvera parvient à rafraîchir leur esthétique si familière en mettant en scène ses propres obsessions et en convoquant une galerie de personnages inédits : youtubeuses beauté, chanteuses évangélistes et masculinistes en herbe.
Visions d'angoisse, lumières vénéneuses et bande-son hallucinée sont donc les moteurs de ce thriller d'un nouveau genre qui dissèque au scalpel le brésil réactionnaire et moribond de Bolsonaro. Un drôle de pays, où les adultes comatent, en état de mort cérébrale, dans des hôpitaux sordides, tandis que les jeunes errent entre petits boulots, fascisme et fanatisme. C'est glauque, on se croirait presque en France, tiens ! Battues, endoctrinées, lynchées... Les femmes sont les grandes perdantes de cette dystopie et semblent n'avoir d'autre échappatoire qu'une grande course hurlante dans la nuit... C'est d'ailleurs au cœur de cette terrible idée que se déploie la plus belle séquence du film, que nous ne raconterons pas ici mais qui nous hante encore.
Peut-être bien plus captivant et singulier que Titane, présenté en même temps à Cannes, Medusa a électrisé la Quinzaine des Réalisateurs et rappelle qu'il faut avoir la rage pour faire un film d'horreur vraiment inoubliable. Avec des réalisateurs aussi étonnants que Carlos Reygadas (Post Tenebras Lux), Kleber Mendonça (Bacurau) et maintenant Anita Rocha da Silvera, il est possible que l'Amérique Latine devienne le nouvel Eldorado des cinéphiles aventureux, en mal de pépites cinématographiques.