Meiyazaghan, de C. Prem Kumar, débute sur le drame qui saisit un jeune homme d’une petite trentaine d’année : La maison de son grand père, où il a grandit et où il vit avec toute sa famille va être vendue, et tout le monde doit quitter les lieux. Arul part donc vivre à Madras, emportant dans un gros camion toutes ses affaires, de la tristesse, plein de regrets et beaucoup de ressentiments. Il ne laisse rien derrière lui, à part une vieille bicyclette...

20 ans plus tard, invité par sa petite cousine qui se marie, Arul ne peut se défiler et doit retourner dans son village natal. Arrivé sur place, il est rapidement submergé par la nostalgie et ne pense qu’à offrir son cadeau et fuir, rentrer chez lui au plus vite. Mais c’était sans compter sur l’intervention d’un inconnu visiblement enchanté de le revoir, mais qu’il ne reconnait absolument pas. Démarre alors une virée nocturne où ce mec, qui semble bien vite un peu trop sympa, va chercher à retenir Arul par tous les moyens.

Cette mise en place pourrait alors donner naissance à un thriller, autant qu'à une comédie burlesque, mais ça ne sera rien de tout ça... suscitant l'intérêt constant, malgré un rythme extrêmement peinard. Et alors que le cinéma indien fait rarement l’économie des gros moyens lorsqu’il s’agit de se livrer corps et âmes à toutes les ficelles du mélo pour charger la mule, C. Prem Kumar fait preuve d’une étonnante économie de moyens et, surtout, d’une maîtrise affolante. Construisant son récit dans un premier degré sans faille, étalant le cœur des hommes et les nostalgies écorchées vives, le film de Kumar a quelque chose d'enchanteur par sa délicatesse et sa retenue. Alors que tout le monde chiale et se livre sans honte, le réalisateur fait preuve d’une pudeur aussi inattendue que d'une redoutable efficacité. L’émotion arrive par petites touches, subtiles, qui suivent un récit sans bagarre et basé sur un enjeu, somme toute, un peu ridicule. Qui est ce type avec qui Arul va passer la nuit ? Et pourquoi tout ça a autant d'importance ?

Et bien qu'il ait tout de l'argument tragique, cet imbroglio va être l'occasion de visiter la mélancolie d'Arul et plus se complexifie la relation entre les deux personnages, plus l’inconnu prend de la place, et plus Arul semble dévasté par cette tristesse. L'inconnu, et puis quelques animaux, un éléphant, une vache, un serpent...

Tout ce qui manque à Arul, c’est ce foutu nom, et il va se débattre avec cette situation absurde jusqu’à ce que, finalement, il comprenne que c’était autre chose.

Effet papillon, conte merveilleux et croisière paisible avec un type un peu fatigué qui va, enfin, retrouver l’apaisement qu’il mérite. Meiyazhagan est un film si joliment écrit, si bien interprété et mis en scène, c'est tellement chouette que c'est difficile de faire le ronchon devant. Parce que si je suis loin d'avoir été terrassé par l’émotion, ke me suis gentiment laissé emporter par le souffle nostalgique de cette très belle histoire. Et, au delà du fossé culturel et géographique, c'est aussi facile de se projeter et se glisser dans la mélancolie d'Arul que d'enfiler de vieux chaussons. Les trucs tristes et qui sont pas marrants et qu’on ressasse, c’est bien évidemment quelque chose d’universel. Alors, cœur de pierre ou grosse guimauve, on aimerait tous croire qu'il y a, quelque part, quelqu’un qu’on a complètement oublié qui se souvient de nous, juste parce qu’on a été sympa avec lui, alors que personne ne l’était.

Même si pour certains, bon, je dirais que c’est quand même pas gagné…

C’est pas ce qui m’aura le plus bouleversé cette année, mais Meiyazhagan reste une adorable comédie dramatique , un moment de grâce qui prouve, à nouveau, la délirante vitalité du cinéma tamoul… Meiyazhagan, Raayan, Vaazhai, Maharajah, Thangalaan et la seconde partie de Viduthalai qui pointe son nez… Bordel, quelle autre cinématographie dans le monde arrive à aligner de pareilles peloches ?

MelvinZed
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le 28 nov. 2024

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