Y’a un paquet de trucs qui ne vont pas dans The Substance, le premier c’est la durée. 2h20 c’est trop, surtout quand ton propos pigne pas plus loin que « je vais illustrer littéralement l’idée que les injonctions de la société capitalistopatriarcale transforme les femmes en monstres », et que t’es pas capable d’élaborer. Enfin, on parle surtout les actrices millionnaires qui vivent mal de ne plus être au top et jalousent le cul des petites nouvelles. Faut rester dans un truc simple, suffisamment caricatural pour que ça ne soit surtout pas politique - c'est trop compliqué - et que ça reste un peu glamour parce que l’idée c’est quand même de passer 2 heures à te filmer des fions. Bon, ça pisse pas loin, c’est assez fainéant dans le choix de son cadre et de ses personnages et forcément à force de tourner en rond en ressassant la même chose on attend sagement en regardant ses yeux l’inévitable exutoire grand guignolesque qui achève forcément les propos sans perspective. Mais avant d’arriver à ce "bouquet final", ça doit combler, boucher des trous, plâtrer et colmater le gruyère de l’indigence avec la mayonnaise de l’incompétence. Alors ça emprunte, vole et pille à tout va afin d’illustrer le cauchemar de cette actrice cinquantenaire déprimée qui s’ébroue dans un monde artificiel et limité, simplement esquissé par quelques outrances et trois décors plombés par une direction artistique faiblarde, constamment décevante. Dans le fond, je n’ai rien contre une petite citation ou un clin d’œil. Pourquoi pas, et le vol ou le pillage sont même tout à fait acceptables s’ils sont justifiés. Mais ici ? Quel intérêt de refaire une salle de bain quasi identique à celle de Shining ? Qu’est ce que ça nous raconte sur le film à part nous montrer qu’ils n’avaient, somme toute, pas assez d’idée pour créer quelque chose de singulier. Alors le film découpe ailleurs pour coller ici. Et globalement il va fonctionner ainsi, sur le modèle du patchwork, et la forme frankensteinienne de l'oeuvre va rejoindre le destin de son personnage, autre monstre créé par une société bien plus monstrueuse. Bon, c’est peut-être ce que pourrait écrire un thuriféraire bienveillant. Le souci, c’est que sans aucune virtuosité et s'autosatisfaisant du martellement de son histoire lourdingue à mort, la bienveillance, passée le premier quart d’heure, elle s’est barrée et a claqué la porte derrière elle en grommelant une flopée de jurons. Et c’est dommage qu’elle se soit taillée si vite, j’aurais bien aimé lui demander s’il n’y avait tout de même pas un peu de plaisir à contempler le film jouer à saute mouton sur les classiques du genre qui broutent paisiblement dans la vallée joyeuse des références évidentes. Du coup, tout ce que j’en ai retenu c’est que The Substance passe de l’un à l’autre sans que ça ne serve jamais à rien d’autre qu’à substituer au travail que le film aurait dû se taper le travail que d’autres avaient déjà accompli… Imaginant peut-être que le talent allait faire tâche d’huile. Le problème, c’est que le vol est une technique, et le pillage est un art. Et en l’état, The Substance m’a surtout évoqué le naufrage de Titane, sans forcément s’échouer si profond, à la grâce, admettons-le, d’une facture technique correcte. Et peut-être de ses deux actrices, qu’on imagine impliquées... mais qui ne dégagent rien, ni empathie, ni émotion, ni même un quelconque intérêt. Car s’il reproduit constamment les effets chocs de Requiem for a dream, le film de Fargeat passe totalement à côté de la tristesse que provoquait la suffocation des protagonistes du film d’Aronofsky, et s’enlise dans une platitude ronflante, insupportable de premier degré, de sérieux et de prétention. Sans surprise, tout ça débouche vers une conclusion « over the top », un climax trop punk je suis trop fou dans ma tête rythmé par une musique death metal trop extrême et explosant dans un jaillissement gore éclaboussant les ronds de cuir de la société. Et même là, même dans cette conclusion foutraque débilosse gorasse, tout est foiré. Le design du monstre en premier, trahissant finalement le manque d’ambition du projet, condamné à bégayer trois machins déjà vu dans une posture post punk puérile et surtout dépassée depuis des lustres, gênante d’anachronisme et de médiocrité. Finalement, si The Substance était totalement impuissant à se confronter aux « grands » classiques, il l’est tout autant face aux « petits » chef-d’œuvres de l’horreur trash. De sa propre perspective, et de là où il patauge, Henenlotter, Kubrick, Yuzna, Cronenberg, Gordon, Aronofsky ou Jackson sont tous des géants. Et j’ai presque l’impression qu’il y a là l’embryon d’un compliment. Mais ça serait involontaire.

MelvinZed
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le 3 nov. 2024

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Melvin Zed

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