The Substance vient tristement confirmer qu'entre Coralie Fargeat et le masqué, ce ne sera jamais une grande histoire d'amour.


Car il a retrouvé dans son nouveau film toutes les tares affectant son lourdingue Revenge... En mode démultiplié et sur un thème voisin, passant des violences sexuelles de son premier effort à la souffrance somatisée du nouvel opus.


Rien que dans les dix premières minutes, le masqué soupirait déjà.


Parce que citer tout les quatre matins désormais la moquette qui fait Shining pour convoquer le crispant "tu l'as vu, hein, ma réf de cinéphile qui pète ?", ça le saoule.


Parce que devant les symboles aussi fins que du gros sel, histoire par exemple de bien surligner au stabylo que les stars sont réduites à l'état de simple produit de consommation en étalant un burger, il a l'impression d'être pris pour une buse.


Parce qu'il ne suffit pas, enfin, de livrer un portrait d'homme envisagé comme un phallocrate qui bouffe comme un immonde porc que ce serait pas même permis, pour s'ériger en porte voix du féminisme et fighteuse du patriarcat... Poil au bras.


La séance partait donc très mal.


Même si le masqué reconnaissait que la direction artistique était très jolie, ou qu'une scène de naissance, même si des plus hygiénistes, avait fait son petit effet.


Sauf qu'il s'est ensuite immédiatement posé la question de savoir si c'était bien une femme derrière la caméra, puisque l'on filmait le fessier et la poitrine des actrices, ou sous la douche, de manière si complaisante que si cela n'avait pas été le cas, Adèle Haenel aurait sans doute hurlé à l'insoutenable male gaze.


Malgré de si énormes maladresses et pauses crispantes, Behind avait pourtant envie de continuer. Car Coralie Fargeat, malgré tout, avait réussi à créer une atmosphère, à décrire le processus de cette mystérieuse substance, à remplir d'un intérêt certain les premiers temps de l'alternance. Preuve que The Substance en avait sous le capot par, au moins, son aspect fantastique.


Au point que le masqué était séduit. Au point d'envisager un 6 ou un 7 sur le site.


Sauf qu'à mesure de son avancée, l'absence totale de finesse de Coralie Fargeat ressurgit de manière extrêmement dommageable. En convoquant par exemple chaque instant des portraits d'hommes systématiquement rances et simplistes confinant à une misandrie digne d'une Sandrine Rousseau.


Mais ce n'est que le cadet des défauts de The Substance.


Car obnubilé par sa charge naïve qui enfonce nombre de portes ouvertes, Coralie Fargeat oublie tout simplement la logique de son scénario, de plus en plus faiblard et bardé d'incohérences dans son principe, allant jusqu'à oublier son leitmotiv du "Vous n'êtes qu'une" pourtant asséné à intervalles réguliers.


Parce que Coralie Fargeat ne reste finalement qu'à la surface de sa critique en bridant les opportunités offertes par la confrontation de ses actrices, alors même que certaines autres scènes beaucoup plus inspirées bardent pourtant le film. N'aurait-il pas été pertinent, par exemple, d'utiliser les effets spéciaux de de-aging, nouvelle chimère promettant une jeunesse éternellement fixée sur grand écran ?


Parce que pour masquer sa dernière ligne droite d'un ridicule achevé et incohérent, voyant par exemple une momie voler après un high kick ou encore piquer un sprint digne d'un zombie de Zack Snyder, Coralie Fargeat dégaine son arme qu'elle suppose ultime depuis le discours de sa collègue Julia Ducournau à Cannes. Celle du freak show. Associée aujourd'hui à la démonstration de la souffrance, comme si l'idiot qui avait payé sa place n'avait toujours pas compris le propos au bout de (longues) deux heures vingt.


Hélas, sans queue ni tête, sans cohérence, totalement écrasé sous les influences tout aussi mal digérées qu'irritantes de Carrie, La Mouche, The Thing et autres oeuvres maîtresse de l'horreur, ce final en totale roue libre, en forme de sortie de route meurtrière, n'a pour unique but que celui d'impressionner le bourgeois cinéphile peu coutumier du film de genre et de le faire trembler à peu de frais, tout en le confortant dans ses petites certitudes morales et / ou militantes quant à la lutte contre l'oppression féminine.


Alors qu'il y avait pourtant de quoi faire avec le concept du doppelganger ou encore cette réinterprétation moderne de Cendrillon ou de Blanche Neige, une telle impasse et un tel grand guignol dérisoire virant au best of de citations serviles ont de quoi sérieusement questionner quant à la récompense obtenue par The Substance au festival de Cannes pour son "meilleur scénario".


Car devant toute la faiblesse et toute l'absence de subtilité étalées, soit Greta Gerwig et son jury étaient atteints d'inquiétants symptômes de la cataracte, soit l'organisation palmée tentait tout simplement de récupérer de manière opportuniste et cynique l'attraction d'un genre qu'elle a longtemps dénigré, dédaigné et mis au ban.


Le masqué, lui, ne savait pas s'il devait en rire ou s'en affliger. Ce qu'il savait cependant, c'est qu'entre lui et Coralie Fargeat, c'était définitivement terminé.


Behind_the_Mask, qui s'en tiendra à une simple crème anti-rides.

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le 8 nov. 2024

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