... And you believe in yourself - it's just the believing hasn't been enough to let you become what you believe you can be."
Melvin et Howard est un de ces films en retard, caractéristiques d'une époque précise mais dont la diffusion s'effectue en décalage notable avec l'air du temps. En l'occurrence Jonathan Demme s'était aventuré sur le terrain du Nouvel Hollywood, avec des thématiques extrêmement familières et une coloration mélancolique du récit qui rentre parfaitement dans ce cadre, mais son film sortit en 1980 et il était déjà trop tard pour ce genre de choses. Malgré les louanges critiques, malgré les récompenses (notamment un oscar pour Mary Steenburgen et un pour le scénario), ce fut un gros flop commercial.
Pourtant c'est un film très attendrissant, entièrement focalisé sur le personnage de Melvin Dummar, un gars paumé et ballotté par à peu près tous les événements de son existence, comme incapable de se saisir de son propre destin et condamné à avancer comme il peut en subissant les soubresauts de sa vie de famille et de sa vie professionnelle. C'est un personnage qui a réellement existé (sans pour autant que le film n'en fasse un argument de vente, seuls quelques mots à son sujet seront dispensés à la toute fin) et à l'origine d'un imbroglio comme seuls les États-Unis savent en susciter : il reçut un héritage de plus de 100 millions de dollars à la mort d'un milliardaire quelque peu excentrique (l'aviateur et homme d'affaires Howard Hughes, en son temps un des hommes les plus riches et les plus puissants du pays), une somme qu'il n'aura jamais pu toucher jusqu'à sa mort en 2018 car accusé de contrefaçon de testament.
Le film fait le choix d'épouser la version de Melvin en montrant sa rencontre avec Howard dès la scène d'introduction, sans nous donner aucune clé concernant les enjeux d'une telle rencontre — le milliardaire est interprété par Jason Robards et étonnamment on ne le reverra pas de tout le reste du film. C'est une longue scène un peu décousue, avec un style relâché typique du cinéma états-unien des années 1970 (sur fond de Creedence et des Rolling Stones), qui ne trouvera son importance qu'à la fin. Car tout Melvin and Howard sera en réalité consacré au désœuvrement de son protagoniste, un homme joué par Paul Le Mat avec beaucoup de sincérité et de naïveté pour rendre compte de la vie chaotique de cet ouvrier bossant pour une laiterie, marié à une femme (excellente Mary Steenburgen) par nécessité, qui essuiera un divorce avant de se reconvertir en pompiste au fin fond de l'Utah.
C'est davantage sous l'angle du conte que le film avance, racontant les tumultes de la middle class ouvrière américaine avec énormément d'empathie pour l'ensemble de ses personnages. Les galères sont présentées avec un juste équilibre d'humour et de sérieux, à travers les multiples interventions des huissiers qui récupèrent les voitures en prêt, les espoirs de prolétaires qui rêvent de gagner un concours dans une émission à la télévision, et toujours en ligne de mire cet American Dream qui ne cesse de se dérober. Le regard lucide de Demme sur la société états-unienne, avec ses motifs de bonheur factice et d'acharnement du sort qui se répètent à l'infini, est aussi amer que celui qu'il porte à ses personnages est tendre. Au terme du voyage, Melvin, bon joueur malgré les coups du sort, aura développé une sacrée endurance face à l'adversité.
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