Renversant !
ATTENTION ! Cette critique présente des éléments qui peuvent désarçonner le lecteur. Merci de votre compréhension. Mais quoi qu'il arrive, le monde continue d'exister. Et c'est terrifiant. L'homme...
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le 25 oct. 2013
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Memento, deuxième long métrage réalisé par le désormais célèbre Christopher Nolan, est l'un des films qui a fait de moi le fan de cinéma que je suis aujourd'hui.
Chacune des scènes de ce film mériterait d'être analysée en détails tant elles regorgent toutes d'informations essentielles à la bonne compréhension de l'intrigue et d'idées de mise en scène intéressantes, néanmoins je vais essayer de m'en tenir à l'essentiel dans cette critique.
Synopsis : Leonard Shelby ne porte que des costumes de grands couturiers et ne se déplace qu'au volant de sa Jaguar. En revanche, il habite dans des motels miteux et règle ses notes avec d'épaisses liasses de billets.
Il n'a qu’une idée en tête : retrouver l'homme qui a violé et assassiné sa femme pour se venger. Néanmoins, sa recherche est rendue plus difficile par le fait qu'il souffre depuis l'agression d'amnésie antérograde. Bien qu'il puisse se souvenir de détails de son passé, il est incapable de se créer de nouveaux souvenirs et donc de savoir où il se trouve, où il va et pourquoi.
Pour parvenir à ses fins, il est alors condamné à structurer sa vie à l'aide de notes, de photos, et de tatouages sur le corps.
La force principale de Memento réside dans sa structure narrative innovante qui transforme un simple film sur la mémoire en une véritable expérience.
Le film alterne entre de deux types de scènes : celles en couleurs où l'intrigue nous est dévoilée de la fin vers le début (chacune d'entre elles se terminant là où commence la précédente), et celles en noir et blanc montées dans l'ordre chronologique. Le dénouement de l'histoire va de cette manière se trouver au milieu de l'intrigue, une première au cinéma.
Afin que le spectateur ne soit pas perdu par cette structure narrative atypique, Christopher Nolan a choisi de l'expliciter dès la toute première scène en filmant celle-ci à l'envers, comme si on la rembobinait. Celle-ci débute sur un polaroid dont le contenu va petit à petit disparaître, ce qui est déjà une idée très astucieuse pour faire comprendre que le film va jouer avec le temps, mais en plus de cela elle pourrait également signifier que la mémoire ne peut être fixée sur des polaroids comme le fait Léonard, que ce type de mémoire artificiel n'est pas réellement fiable, et ainsi être un premier indice potentiel pour la compréhension de la fin de l’œuvre.
→ Schéma explicatif de la chronologie du film.
Ce montage antéchronologique, aussi tape-à-l'œil soit-il, sert avant tout à mettre le spectateur dans la situation vécue par Léonard puisque chaque changement de scène correspond à un moment d'oublie de celui-ci, ces oublies ayant lieu lorsque le protagoniste accumule trop d'informations ou lorsqu'il est déconcentré. Par conséquent, le spectateur n'a pas connaissance des informations dont le personnage est lui-même privé et ressent ainsi sa confusion, son incertitude.
C'est une nouvelle forme de suspense que met ainsi en place Christopher Nolan, le public étant toujours en attente de la scène suivante afin de comprendre celle qu'il vient de voir. Il veut savoir comment le héros c'est retrouvé dans cette situation et ce qui l'a poussé à agir de la sorte.
Le second point fort du film est son écriture exceptionnelle! Un petit exemple parmi tant d'autres : au cours de son enquête, Leonard va rencontrer plusieurs personnages qui auront pour point commun de le manipuler afin de tirer avantage de son handicap (Teddy afin qu'il l'aide à récupérer l'argent de Jimmy, Natalie pour qu'il se débarrasse de Dodd, le gérant du motel en lui donnant deux chambres, ...). Et là où ça devient particulièrement intéressant, c'est que Léonard lui-même est le premier à se manipuler, que se soit lors de la séquence avec l'escort girl dans lequel il essai de se convaincre que sa femme est partie et non décédée, ou bien en se créant des puzzles afin d'assouvir son besoin de vengeance (on peut d'ailleurs se demander ce qu'il deviendra après le meurtre de Teddy puisque, comme il le fait remarquer, la vengeance était sa seule motivation pour continuer à vivre).
Particulièrement surprenante, la fin est-elle aussi sublimement écrite et laisse le choix au spectateur de se faire sa propre interprétation. Soit Teddy dit vrai et cherche à protéger Léonard, soit il ment dans l'espoir d'à nouveau pouvoir tirer avantage du handicap de celui-ci.
Certains indices semblent pencher en faveur de la première hypothèse tel que l'image subliminale durant laquelle Léonard prend la place de Sammy dans l'hôpital psychiatrique, tandis que d'autres corroboreraient plutôt la seconde comme le besoin de réponses qu'a la femme de Sammy concernant l'état de son mari. Elle souhaite une réponse coûte que coûte, peu importe laquelle. Ceci pourrait faire référence au spectateur qui a ce même besoin de connaître la vérité et préfèrera souvent accepter les réponses qu'on lui propose, même si ces réponses proviennent d'un menteur aux méthodes et à la moralité clairement douteuses, plutôt que de rester dans le doute. Mais la grande majorité des éléments sont à double sens, on peut notamment citer : le flashback qui montre la femme de Léonard bougeant les yeux juste après l'agression (pouvant indiquer qu'elle a survécu à l'attaque, ou alors qu'elle est entrain d'agoniser comme s'en souvient Lenny) ; les brefs flashback successifs montrant Léonard injectant de l'insuline à sa femme, puis la pinçant (ce pincement sert-il à montrer que Lenny a encore des souvenirs clairs d'avant l'agression, autrement dit des souvenirs à long terme, ou bien est-ce une volonté de nous montrer qu'il se crée sa propre réalité? ; ...).
Un des dialogues du film est essentiel selon moi à la bonne compréhension de cet épilogue, celui où les deux protagonistes principaux abordent le thème de la mémoire lorsqu'ils sont au bar. Au cours de celui-ci, Teddy indique qu'on ne peut se fier aveuglement à des photos, tandis que Léonard explique que les souvenirs sont malléables et que l'on ne peut donc pas s'y fier non plus. Ironie du sort, l'argument principal de Teddy lors du dénouement sera un polaroid, alors que celui de Lenny sera sa mémoire.
Mais puisque ni des photos ni la mémoire ne peuvent être des preuves absolues, on se retrouve une fois de plus dans la même position que Lenny, c'est-à-dire dans l'impossibilité de savoir avec certitude ce qui est vrai, et donc à devoir faire un choix. Léonard fera le sien, croire sa mémoire, à nous de faire le notre!
Pour terminer, voici un petit listing non exhaustif de moments que j'ai beaucoup apprécié dans Memento, et que je n'ai pas encore abordé dans cette critique :
Enfin, si le casting est une merveille de bout en bout, faites attention à la VF qui est une véritable horreur. Certes je suis un farouche partisan de la VO mais là c'est vraiment un coup à ne pas réussir à rentrer du tout dans le film.
Bref. Memento est plus que jamais un film dont la forme sert le propos, et c'est notamment en cela qu'il obtient incontestablement le statut d'œuvre culte à mes yeux !! Certes, le film est assez complexe et vous demandera une certaine concentration pour ne pas être trop perdu au premier visionnage, mais après tout, comment rendre encore plus impactant un film sur la mémoire que de jouer avec celle du spectateur?
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Créée
le 30 août 2019
Critique lue 490 fois
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