Quel drôle d'agrégat supervisé par Katsuhiro Ōtomo, l'auteur d'Akira (le manga et l'anime adapté), réunissant trois courts / moyens métrages qui partagent certes quelques thématiques communes en matière de science-fiction mais qui évoluent dans trois registres radicalement différents, que ce soit en termes d'esthétique ou de tonalité. Il signe le dernier des trois films et s'est entouré de Kōji Morimoto (co-réalisateur de Mind Game) et Tensai Okamura pour confectionner ce triptyque aux inspirations très variés, Alien, Solaris ou 2001 par-ci, dessins au crayon à la Grimault par-là, et au milieu une grosse farce mi-sérieuse mi-potache.
Chose rare, l'extrême hétérogénéité des morceaux ne nuit pas à la cohérence de l'ensemble, une tare pourtant classique en matière de films à sketches. Le format court, entre 20 et 50 minutes, correspond en outre très bien aux ambitions des différentes parties afin d'éviter les répétitions et les longueurs. Les grandes lignes de chacun des trois récits ne sont pas incroyablement innovantes mais elles les structurent habilement autour de grands sujets incontournables de la science-fiction (exploration spatiale, empire politico-militaire, menace de la guerre).
Le segment Magnetic Rose (dont le scénario fut co-écrit par Satoshi Kon), à partir d'une histoire d'éboueurs de l'espace répondant à un appel de détresse, mêle des influences occidentales à une trame horrifique gothique et son lot de questionnements à consonances métaphysiques.
Le segment Stink Bomb laisse une place considérable à un délire débile (un employé de labo pharmaceutique ingère une pilule et devient une boule puante mortelle, dont la dangerosité se trouve corrélée à sa transpiration et son stress), associant imagerie cauchemardesque de rues jonchées de cadavres et humour noir lorgnant du côté du grotesque.
Le segment Cannon Fodder est quant à lui un exercice de style beaucoup plus radical, doté d'un trait extrêmement singulier pour figurer son environnement steampunk et son arrière-plan industriel oppressant, focalisé sur une ville-usine entièrement tourné vers la production d'armements pour alimenter des canons qui tirent sur un ennemi inconnu.
Au final, on navigue entre comédie absurde et space opera tragique, entre mélancolique et intime, entre animation de facture classique et univers particulièrement original. Largement de quoi combler les amateurs de SF animée japonisante.
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