Les films qu'on aime en disent sur qui on est.
Je suis un train qui a déraillé. Très bon dans certaines matières scientifiques et ayant eu un BAC S en poche, je n'ai pas hésité une seule seconde : je devais faire du droit.
Pourquoi un tel revirement ? Et bien parce que je suis fasciné, captivé, ensorcelé par tous les engrenages, aussi petits soient-ils, permettant à nos systèmes juridiques de tourner. Tous ces petits engrenages que l'on doit sans cesse entretenir pour que la machine entière ne s'effondre pas sur elle-même en questionnant régulièrement la portée, la moralité et les conséquences de ceux-ci sur chacune de nos vies
Cet amour du droit, je le dois au cinéma et particulièrement à Memories Of Murders
Je me suis toujours restreint de parler de Memories of Murders : nombreux sont ceux qui se sont attaqués à son cas et je préfère promouvoir les films peu connus. Mais c'est à ma grande surprise que je découvre des écrits justifiant et affirmant une note inférieure à 5/10. J'ai mal.
J'accorde que l'on puisse reprocher Memories Of Murder d'avoir une enquête longue et fastidieuse avec des personnages auxquels on ne s'attache pas vraiment.
Néanmoins, je trouve chaque scène d'une justesse et d'une maîtrise ahurissante. Le ton qui est donné dès la première scène avec les enfants qui jouent sur le lieu d'un meurtre. Et puis de la scène d’interrogatoire dans le commissariat, qu'elle soit en accord avec la période de transition démocratique de la Corée du Sud ou une caricature et qui se place le point de départ d'une succession de questions de droit, à la dernière scène où on ne peut qu'être accroché à son siège tant la tension atteint son paroxysme.
Parce que l'intérêt de l'enquête n'est pas l'enquête elle-même (Osef de savoir qui est le meurtrier) mais de la réflexion juridique qui découle de chaque action, bonne ou mauvaise, des enquêteurs.
Qu'est-ce qu'une preuve ? Qu'est-ce qu'un témoin ? Qu'est-ce qu'être suspect ? Qu'est-ce que la justice ?
Memories Of Murders n'est pas un film, il est un cours d'introduction au droit
Et c'est face à ces questions que l'on se retrouve avec des enquêteurs d'une originalité que l'on peut facilement accuser de folie voire de sur-jeu d'acteurs.
Ils ne sont pas glorieux. Ils sont complètements paumés et désorientés. Comment leur en vouloir ? Se retrouver à gérer le premier cas notable de serial killer de Corée du Sud après une dictature militaire assez rude. Eux qui ne sont que des flics de campagne.
Perso je vois plus le drame derrière les instants "comiques" parce que ce sont des moments qui dissimulent vraiment la catastrophe permanente que sont les personnages qui ne savent pas réellement ce qu'ils font et font semblant de maîtriser la situation.
Et ce qui est intéressant est de voir tous les postulats assumés par ces enquêteurs se briser avec violence.
Exemple : Le tueur est forcément quelqu'un ayant une mine patibulaire
Le tueur revient toujours sur les lieux du crime
Et c'est justement par la violence et la folie que vont répondre les enquêteurs en pleine incompréhension. Ils sont complètement imprévisibles et mauvais : pas facile de les considérer comme des héros.
Par conséquent, la frustration d'un non-aboutissement après une série de remise en cause en est encore plus parfaite.
Je vous invite à aller voir des vidéos analysant les plans d'ensemble du film pour comprendre la profondeur de la direction artistique du film
Et puis ce n'est pas tout parce qu'il y a des degrés de lecture !
Le serial killer peut être assimiler à l'arrivée des États Unis comme influence à la Corée du Sud (Culture du slasher, nombreux cas de serial killer...). Ainsi on peut y voir le désarroi de la Corée du Sud face à l'arrivée massive de cette culture américaine étouffante.
Mais bon on a le droit de ne pas aimer le film, j'ai juste beaucoup d'amour pour ce film en étudiant en droit que je suis et cela peut être très subjectif.
C'est pas tout ça mais je dois aller lire des arrêts de la Cour de Cassation moi...
Passez une agréable journée et surveillez bien vos arrières quand vous rentrez chez vous le soir.