Comme un poisson appâté par l'odeur de l'appât parfait, j'ai péché par excès de confiance en explorant le documentaire de Julia Dahr. Le sujet est taillé sur mesure autour de problématiques qui m'intéressent tout particulièrement, la gestion qualitative et quantitative de l'agriculture, les nouveaux problèmes émergents autour de l'accès à la ressource en eau, et l'asymétrie fondamentale entre les différents pays, ceux qui décident et ceux qui subissent.
La figure de Kisilu Musya était dans cette optique tout à fait adéquate : un petit agriculteur kenyan observant l'effet du changement climatique sur son environnement et l'impact des sécheresses, inondations et tempêtes sur ses cultures. Grâce à la caméra amenée par de Julia Dahr, il peut documenter tout cela en plus de son quotidien — cette partie-là, en tant que documentation, conserve toutes les qualités qu'on peut imaginer. Pour moi le problème tient bien plus à la position de la réalisatrice norvégienne dans le cadre de cette co-production britannique, car si on ne doute à aucun instant du bien-fondé de son action et de ses intentions, je dois avouer avoir ressenti un certain malaise dans ce qu'elle a amené Kisilu à faire. Le côté porte-parole en charge de délivrer un constat (complètement justifié) et un message d'espoir (beaucoup plus naïf) à la COP 21 de 2015 à Paris est un moment très gênant, très loin de ses actions menées au Kenya. Mais même là-bas, la façon de montrer le mouvement d'agriculteurs en formation est très maladroite, comme si Julia Dahr n'était pas parvenue à rendre la chose à la hauteur des enjeux, au-delà d'une tempête plus violente que les autres qui a arraché les tôles servant de toit.
Cela aurait pu être un coup de vent plus fort qu'un autre : il me semble que le discours sur le changement climatique est extrêmement limité, indigent, se contentant de très peu. Il y a un côté facile dans cette entreprise, j'ai du mal à réfréner cette pensée, alors que l'opposition entre le paysan africain qui subit de plein fouet ces dérèglements, avec des conséquences dramatiques pour sa famille (tout en gardant une abnégation qui force le respect), et les belles paroles de beaucoup de politiciens qui au fond se contrefoutent du problème est un truc aussi tragique que déprimant. C'est un peu passer à côté de son sujet avec un traitement très léger.