Particulièrement sensible aux liens étroits de parentalité, puisque l’un de ses précédents courts-métrages, « Pique-Nique » (2015), mettait déjà en scène un duo père-fils, le jeune réalisateur croate Jure Pavlović reprend la thématique déjà explorée par Nanni Moretti, en 2015, avec « Mia Madre » : les dernières semaines de la vie d’une mère, à travers leur retentissement sur la vie de sa fille.
Mais là où le réalisateur italien jouait, parfois à l’excès, sur l’émotion, son confrère trans-adriatique opte pour la sobriété et la retenue, jusqu’à une élégante discrétion consistant à interrompre son scénario avant survenue de la mort. Les rapports mère-fille ici dépeints s’éloignent d’ailleurs au plus haut point de la sensiblerie : leurs conversations permettent de comprendre que la mère a pu se montrer maltraitante, durant l’enfance de sa fille, et, même au soir de l’existence, son amour maternel semble avoir principalement visé le fils perdu et idéalisé, sans doute mort au combat. On s’explique, en retour, la singulière froideur de Jasna, très finement campée par l’actrice Daria Lorenci-Flatz. Constamment cadrée au plus près par Jana Plečas, à l’image, cette descendante maintenant unique a toutefois quitté provisoirement la famille qu’elle a fondée en Allemagne, près de Berlin, pour rejoindre la Croatie et accompagner sa mère, médicalisée chez elle, dans ce parcours ultime. Or le caractère revêche arboré par Anka (Neva Rosić) n’a rien pour faciliter les relations avec sa fille.
Allant de pair avec cette sobriété et cette volonté de montrer, dans son éventuelle aridité, une relation que le scénario n’aura pas enjolivée à des fins lacrymales, les éclairages sont naturels, reflétant, à l’image des sentiments, les infimes fluctuations de la luminosité et du temps. C’est également à l’observation d’une subtile évolution que nous convie le réalisateur, également scénariste, donc, mais également coproducteur : à travers les soins prodigués au jardin, la fréquentation des amies d’Anka, assemblées en commères autour du lit de la malade, l’organisation de l’accompagnement médical et le souci accordé aux démarches juridiques qui occupaient la mère, Jasna cheminera peu à peu sur la voie du pardon, du dépassement des conflits, de l’empathie. Un échange teinté de tendresse sera enfin possible, jusqu’à une caresse enfin osée sur le visage de l’endormie, en un geste profondément bouleversant.
Jure Pavlović signe ici un premier long-métrage infiniment subtil, délicat et sensible, les sentiments se risquant enfin, sous une enveloppe, formelle et de fond, d’apparence austère.