Pietà inversée sur toile de maître

Une peinture de l’amour, celui d’un fils dévoué, portant dans ses bras sa mère au crépuscule de sa vie, à l'écart du monde, au-delà des vallons baignés d’une étrange lumière chaude.


Une peinture du temps fuyant, que tous deux essaient de rattraper au vol en se remémorant les bribes d'un passé lointain au son du chant des oiseaux, du vent dans les feuillages et du grondement du tonnerre.


Une peinture de la souffrance, celle de la mère agonisante dans cette maison grisâtre et dépouillée aux allures de tombeau ; mais aussi celle du fils, qui, face à l’inéluctabilité de la mort imminente – palpable jusque dans la composition anamorphique, presque irréelle, des plans, rappelant les sujets des tableaux expressionnistes de Buffet et l’effet de dilatation spatiale du Moine au bord de la mer de Friedrich (source d’inspiration avouée de Sokourov) – erre entre les arbres en nourrissant un espoir d’éternité, seul moyen pour lui d’accepter la douloureuse séparation.


Une peinture de la nature, cotonneuse et majestueuse sous l’objectif de Sokourov, et surtout porteuse de quiétude intérieure pour la mère et son fils. Car point de désespoir au terme de cette veillée de praeparatione ad mortem : la nature printanière et nourricière se remet toujours à fleurir.


Mère et fils est cette toile. Aussi troublante par son style qu’émouvante par la pureté, la pudeur et l’universalité de ses images.
Destiné à un public sensible à ce type de cinéma particulièrement contemplatif, où le temps paraît momentanément suspendu entre la vie et la mort, où la nature est en osmose et dialogue constant avec les personnages, ce dixième long-métrage de Sokourov est la communion entre poésie élégiaque et peinture romantique en mouvement.

Lomov
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes XXème siècle, mon anthologie, Sur les rayons de ma filmothèque et Vus dans les salles obscures

Créée

le 30 mars 2020

Critique lue 411 fois

11 j'aime

7 commentaires

Lomov

Écrit par

Critique lue 411 fois

11
7

D'autres avis sur Mère et fils

Mère et fils
Lomov
10

Pietà inversée sur toile de maître

Une peinture de l’amour, celui d’un fils dévoué, portant dans ses bras sa mère au crépuscule de sa vie, à l'écart du monde, au-delà des vallons baignés d’une étrange lumière chaude. Une peinture du...

le 30 mars 2020

11 j'aime

7

Mère et fils
fabulousrice
10

Critique de Mère et fils par fabulousrice

Une picturalité au-delà des mots, un rythme distordant le temps, une distortion des matières qui vise à rendre les émotions humaines tellement puissantes qu'elles tendent à l'abstraction. Mère et...

le 31 janv. 2011

10 j'aime

2

Mère et fils
PierreAmoFFsevrageSC
10

2 mots pour ce "beau" film

_Vu il y a longtemps mais pas oublié du tout car très fort et éprouvant: l'écran devient et exprime la douleur des personnages. _J'y connais rien en cinématographie et images etc. mais ce film...

le 20 déc. 2015

6 j'aime

1

Du même critique

Une journée particulière
Lomov
9

Tel le mainate qui s'envole...

Le générique démarre, des bruits de voies ferrées se font entendre. Les premières images d'Une journée particulière montrent le train qui amène Hitler de Berlin à Rome, début mai 1938. Les huit...

le 12 mai 2022

17 j'aime

8

Top Chef France
Lomov
5

La cuisine au leurre

De la spectacularisation grandiloquente de la gastronomie à la fidélisation addictive du téléspectateur : petite plongée dans les rouages bien huilés d'une téléréalité comme une autre. [Étude...

le 1 juin 2020

11 j'aime

4

Mère et fils
Lomov
10

Pietà inversée sur toile de maître

Une peinture de l’amour, celui d’un fils dévoué, portant dans ses bras sa mère au crépuscule de sa vie, à l'écart du monde, au-delà des vallons baignés d’une étrange lumière chaude. Une peinture du...

le 30 mars 2020

11 j'aime

7